Epouse de Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, Madame, dite La Palatine, détonne à la cour du Roi-Soleil par sa franchise brutale, sa laideur et son souci maladif de l'étiquette. Élisabeth-Charlotte Von der Pfalz, petite-fille de Frédéric V de Bohème qui ne régna qu'un hiver, avait été mariée à 19 ans pour assurer l'alliance entre le Palatinat et la France. Déçue par un époux inconstant et débauché, amoureuse platonique de son beau-frère le Roi, elle occupe de son mieux une existence morose, agitée de querelles.
En dehors de la chasse et des devoirs de son rang, ses journées sont occupées à écrire frénétiquement à ses proches d'outre-Rhin ainsi qu'à nombre d'autres correspondants des cours d'Europe. Ses lettres regorgent de potins et d'indiscrétions sur les coulisses de Versailles et la conduite affectée et hypocrite des courtisans. D'un style spontané jusqu'à l'inconvenance, elle accable de critiques acerbes toute l'aristocratie de son siècle, famille royale incluse.
En même temps, ses courriers traduisent son extrême sensibilité, sa bonté, sa foncière humanité. Ayant passé cinquante ans à la Cour sans jamais y avoir vraiment trouvé ses marques, sa vie s'achève peu après le couronnement de Louis XV. Ses obsèques sont accompagnées des hommages sincères de ses contemporains, tant nobles que roturiers. Mais son image se détériorera, injustement, au XIX e siècle lorsqu'elle se retrouvera incarner, dans l'imaginaire national, la caricature d'un peuple allemand alors considéré comme hostile et prédateur.
Après une longue carrière de professeur de Lettres, Pierre-André Jamin se consacre à des recherches bibliographiques et biographiques dans les importantes documentations concernant les XVII e et XVIII e siècles. Il publie ainsi en 2009, aux éditions Artena, Guillaume Dubois, cardinal indigne et Que la fête commence ! en s'en tenant, sans a priori, aux informations des mémoires, journaux, correspondances et autres sources d'époque.
Il trace ici un portrait incisif et contrasté de celle qui demeura pour l'Histoire "La Palatine", bien que la Cour connût simultanément trois princesses portant ce même titre. Le choix et le nombre d'extraits de sa correspondance si pittoresque font presque de ce nouvel ouvrage un "Madame, par elle-même".