"Quand on commence à faire des concessions, on ne peut plus s'arrêter".
Qui avait prononcé cette maxime étrange, et à quel moment ? C'était la pure vérité !
Mais qui pouvait dire qu'il eût jamais concédé quoi que ce soit, où était sa faute ? Dans sa famille, il n'y avait eu que des militaires. Lui aussi, il avait voulu entrer dans l'armée, dès son plus jeune âge. Dans l'armée de ce pays, de ce bloc militaire. Alors qu'il était gosse, on avait changé de religion. Et puis après ? La religion, ce n'est qu'une pièce rapportée, un gadget qui ne signifie rien du tout. Le pays ne s'était pas transporté ailleurs, la population était toujours là, même si les vagues migratoires successives avaient provoqué une énorme croissance démographique, et l'ennemi traditionnel restait la Russie, comme par le passé. On avait frôlé le conflit avec elle du temps de son arrière-grand-père, à l'époque de la guerre froide, cela pouvait se produire aujourd'hui encore. Rien n'avait changé. Et il ne faisait que son devoir.
Oui, mais quel avenir préparait-il à ses enfants ? Lui n'était pas comme ces gens là, Assette n'était pas non plus comme ces gens là. Mais les enfants, eux, les enfants allaient se fondre dans leur masse, comme une cuillère de café en poudre dans un bol d'eau bouillante. Ses petits enfants ne feraient plus qu'un avec eux.
"Quand on commence à faire des concessions, on ne peut plus s'arrêter".
Ecrivain reconnu, fine connaisseuse de la France, Elena Tchoudinova a vendu 100 000 exemplaires de son roman en Russie depuis sa parution en 2005. Elle a mis trois ans avant de trouver un éditeur dans le pays où l'action du récit se situe, la France.