"À monsieur Jacques Bainville, à la Raison anticipatrice dont les événements suivent après coup l'ordre infaillible, effroyable et gracieux" : cet envoi de Marcel Proust, dans l'exemplaire de Sodome et Gomorrhe qu'il lui offre, en 1922, dit assez les qualités de l'historien que Les Conséquences politiques de la paix, en particulier, ont élevé sur le pavois. Spécialiste de la "question allemande", lancinante au lendemain de la Grande Guerre, historien monarchiste proche de Charles Maurras et de Léon Daudet, Jacques Bainville (1879-1936) passe en effet pour "très calé sur les questions de politique extérieure" et à cet égard, ajoute un rapport de la Sûreté générale, il "fait le Parlement".
Esprit universel et travailleur insatiable, Bainville collabore à nombre de journaux quotidiens, hebdomadaires et mensuels, de L'Action française à La Revue universelle, en passant par Le Capital, Le Petit Parisien, L'Eclair de Montpellier, Le Mercure de France ou La Nation belge. Dans leurs colonnes, il s'attache à soumettre l'événement à une étude complète, méthodique et sereine qui seule peut permettre de démêler l'essentiel et de prévoir les mouvements de l'histoire. Son intelligence, sa culture, ses analyses s'imposent.
Apprécié, reconnu tant par ses pairs que par le grand public, Bainville est aussi romancier - auteur notamment d'Une histoire d'amour -, conteur - La Tasse de Saxe, Jaco et Lori - et voyageur - Les Sept Portes de Thèbes, Tyrrhenus, Quatre Mois en Russie. Ces aspects très largement méconnus de sa personnalité sont ici restitués, grâce à de nombreux textes restés inédits ou jamais réédités, et tous contribuent à redonner à l'analyste, à l'économiste, au chroniqueur, au traducteur, à l'historien, à l'écrivain, dont François Mauriac a pu dire qu' "aucun [...] n'a eu dans sa génération un rôle aussi défini que le sien", sa place en son siècle : assurément l'une des toutes premières.
Docteur en histoire, auteur de plusieurs ouvrages, dont Jacques Bainville, les lois de la politique étrangère (2008), Christophe Dickès est également journaliste à Canal Académie, la radio web chargée de mettre en valeur les travaux de l'Institut de France. Il y présente l'émission "Un jour dans l'Histoire". Il travaille également sur la politique étrangère du Saint-Siège.