A la mémoire de Louis Millet .
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.----. En ce jour de Pâques, j'ai une pensée émue pour Louis Millet dont j'ai suivi des cours de philosophie thomiste il y a quelque vingt ans au Quartier Latin et qui avait attiré mon attention sur la bonté qui se trouve en chacun de nous.
Il est mort le 11 mars 2021, c'est-à-dire huit jours avant mes soixante-dix ans et il aurait eu cent ans le 28 avril 2021... Je prie donc plus particulièrement aujourd'hui pour le repos de son âme et pour ses proches qui sont endeuillés.
Il écrivit à dessein La métaphysique en toute simplicité dans un langage ordinaire: Attention: "simplicité" ne veut pas dire "facilité", et il faut lire avec attention, en réfléchissant et en se demandant tout en suivant l'exposé:
Est-ce que c'est bien vrai? Est-ce que j'ai bien suivi?
Les réalités métaphysiques ne se réduisent pas à ce qui est purement "physique" au sens large: matériel, ou biologique. Ainsi quand on s'interroge sur le sens de la vie ou de la mort, on examine de telles réalités, essentielles.
La sensation est la base de tout. Par les sens on découvre des êtres et des choses, puis on cherche à les connaître, ensuite on pense connaître, enfin on cherche comment on connaît, pourquoi. L'intelligence n'est donc rien sans elle:
Vivre c'est [...] d'abord sentir, aux multiples sens du mot.
Les données des sens peuvent être trompeuses mais elles peuvent être corrigées par la réflexion à condition de ne pas se laisser influencer par les émotions ou les passions. La réalité d'une chose est en elle, non pas en nous (1)
La vérité concerne notre connaissance de cette chose.
Les deux buts du savoir sont de connaître pour agir et de comprendre pour comprendre. Mais cela ne dépend que de soi de chercher à savoir: l'intelligence a ce pouvoir propre, un pouvoir libre; un désir intelligent s'appelle volonté.
Pour que la connaissance soit vraie, il faut qu'elle ait deux caractères opposés: qu'elle atteigne la réalité, l'en-soi des choses, et qu'elle soit limitée à ce qui est perçu, pour ne tomber ni dans le scepticisme ni dans le dogmatisme:
Tout homme qui réfléchit sur ce qu'il connaît, sur ce qu'il fait, est, lui, réellement métaphysicien, et pas seulement physicien ou technicien.
L'existence est un don. À partir de là se posent deux questions intimement liées: pourquoi vivre? pourquoi mourir? Chaque chose, chaque être a une réalité particulière, une substance, qui existe ou n'existe pas, est contingente (2).
Les deux principes fondamentaux de la métaphysique tiennent le premier en un mot: être, le second en quelques mots: le contradictoire n'est rien. De ces deux principes fondamentaux découlent tous les autres principes rationnels:
- principe d'identité: une chose est ce qu'elle est;
- principe du tiers exclus: de deux propositions contradictoires, si l'une est vraie, l'autre est fausse;
- principe de raison suffisante: rien n'arrive sans une cause.
Comme aucun homme n'existe par soi-même, aucun vivant, aucune chose n'existe par soi et qu'exister est donné, cela veut dire que tous les êtres sont contingents. Chaque être par sa nature particulière a un pouvoir causal:
Les causes appartenant aux créatures sont dépendantes comme et avec elles. On les appelle de ce fait des "causes secondes". Le Créateur qui donne ces fonctions propres à ses créatures n'est pas du même ordre qu'elles: il est la Cause première de tout.
On est conduit par la raison à l'Origine absolue [l'Origine créatrice] du fait qu'aucune chose n'existe par soi-même, qu'aucune ne peut être à la fois ce qui produit et ce qui est produit, ce qui cause et ce qui est causé:
Toutes les substances particulières qui existent ont une cause de leur existence.
Cette Origine absolue, cette Origine créatrice, cette Cause première, c'est Dieu qui donne d'être à toute chose: Dieu est en Lui-même incompréhensible à notre intelligence, et même à tout être créé, parce qu'Il est au-delà de tout.
La métaphysique ne peut que se taire devant le mystère du mal, le reconnaître et admettre qu'elle est dépassée: La raison humaine ne peut pas pénétrer jusqu'au fond de cette condition dont l'origine est obscure pour nous:
[La métaphysique] a vu que tout n'est pas mauvais, que le monde, dans son ensemble est beau, harmonieux (cosmos), qu'il y a en l'homme une aspiration à la justice et à l'amour, que certains êtres sont admirables. Elle constate aussi les aspects insupportables et injustifiables des événements, voulus ou non, qui font mal. Si elle s'en tient à ce qu'elle peut savoir, elle s'interdit d'affirmer que tel ou tel être est mauvais, qu'il y a du mal absolu, irrémédiable.
[...]
Elle conduit à penser que cet Être - qui donne à profusion, qui nous donne intelligence pour le connaître, et liberté pour bien agir, et pour aimer -, que ce Dieu donateur est générosité infinie - qu'il est Amour, mais "Amour" en un sens pur et parfait, dont nos amours en leurs meilleures formes, ne sont que pâles reflets.
Que faut-il faire?
La métaphysique donne déjà un premier sens à notre existence humaine; elle perçoit notre bonté naturelle fondamentale; elle comprend donc que celle-ci devrait être restaurée; elle voit le but, c'est là qu'elle va pour être une vraie vie humaine...
La raison humaine se reconnaît surpassée par la réalité; elle voit qu'elle connaît et comprend un peu, que ce n'est point connaissance et compréhension fausses, puisqu'elle en perçoit les limites, qu'elle reconnaît le Mystère. Mystère au sens absolu et non "petits tas de secrets":
Alors s'effectue la plus haute démarche de notre raison; c'est ainsi qu'elle s'oriente vers le Sublime, ce devant quoi tout le reste est petit, puisqu'il en provient.
Francis Richard
1 - Sauf si la chose est nous-même.
2 - N'est pas nécessaire.
[ Publié le 4 avril 2021 par Francis Richard ]