Des « mondes » qui passionnent !
4/5 Présent.
.----. L’an dernier, Bernard Hoerni, ancien médecin clinicien de renom, nous donnait un livre
très personnel : Une éducation en terre berbère. 1940-1958 (Atelier Fol’Fer), préfacé par
Marc Fumaroli. Il nous revient avec un roman au titre mystérieux, La Malédiction du
Marabout, au sous-titre qui ne l’est pas moins : « Quatuor élémentaire ».
Un roman au titre intrigant, certes, mais où l’on retrouve bien des « mondes » qui
passionnent Bernard Hoerni. L’Oregon, par exemple, cet Ouest américain qu’il visite
régulièrement. Une source en Gascogne : il lui a déjà consacré un livre, La Source de la
Fée. Un pentagone prodigieux en Gascogne (Glyphe, 2013). La Méditerranée, mare
nostrum, où tout semble avoir commencé. Et le Maroc, bien sûr, le pays de sa jeunesse,
et ces cèdres du Moyen Atlas à côté desquels ceux du Liban sont des bonsaïs…
Ces « mondes » pour une saga littéraire à plusieurs voix. Six frères et sœurs qui, fouillant
dans leur mémoire et/ou leur imagination, se confient des histoires qui vont raconter les
choses derrière les choses. Sous les pavés, la plage. Sous les masques, la vérité. A la lecture
de ce gros roman, on ne s’étonne pas que Bernard Hoerni ait placé en exergue cette
citation d’Umberto Eco : « L’unique vérité est réapprendre à nous libérer de la passion
insensée pour la vérité. » L’éditeur indique : « Sur trente ans, deux solstices et deux
équinoxes scandent cette histoire, chaque saison sous le signe magique de son élément
traditionnel. »
Bernard Hoerni a un sens inné du récit. Il sait parler de la famille. De la France. De la
vie des colons français dans le Maroc du Protectorat. Là, on pense à Ridder Haggard. Là,
à un conteur (presque un griot) qui convoquerait en vrac – mais ce n’est qu’une
apparence désordonnée – les quatre fils Aymon, Gounod et Dvorak, les contes
orientaux, Malherbe, Agrippa d’Aubigné, Rimbaud, Shakespeare, Pierre Benoit, et,
quand il le faut, les Pieds Nickelés, etc. On le voit : ce quatuor est peut-être élémentaire,
mais l’inspiration brassée abondamment est très supérieure, elle…
Mais quel est le secret détenu par ce caïd berbère, ce secret que, malheureusement, un
marabout a éventé ? Je vous le laisse découvrir, bien sûr. En même temps que vous
découvrirez la petite musique – parfois torrentielle – d’un écrivain qui, amoureux de la
vie, a beaucoup lu, a beaucoup voyagé, a beaucoup aimé. Et tout retenu. [ Signé : Alain Sanders dans " Présent " n° 8048 du 21 février 2014 ]