Le concept de la liberté s'est forgé à travers les âges, en allant peu à peu du sens le plus restreint et fini, au sens le plus exorbitant. Au tout début de son histoire, la liberté signifiait simplement le droit des citoyens à prendre part aux décisions de la nation. En dernière date, chez Jean-Paul Sartre, elle désigne pour l'homme la capacité d'inventer sa nature : l'homme est "condamné à être libre", car ce n'est pas ce qu'il est qui détermine ce qu'il va faire, c'est au contraire ce qu'il fait qui va le faire être. "Si, en effet, l'existence précède l'essence, on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit, il n'y a pas de déterminisme, l'homme est libre, l'homme est liberté."
La liberté, en effet, se pose par rapport à ce qui la menace ou la nie ; par rapport à ce qu'elle doit dépasser pour s'affirmer. Quels adversaires lui donnons-nous ? Quelles sont, pour nous, les choses qui la mettent en danger de n'être qu'une illusion ? Comptons trois genres de difficultés, trois genres d'adversaires : nous-mêmes en tant que nous sommes asservis comme de l'intérieur par un ennemi invisible, la passion, l'irrationnel ; la part d'animalité qui en nous s'obstine à nous ravaler au rang de l'animal prisonnier des déterminismes de la nature ; comptons encore autrui, la Cité en tant que la liberté de l'autre entre en conflit avec la nôtre ; comptons enfin Dieu qui, s'il voit et prévoit tout, semble pouvoir nous prédestiner en sorte que nous ne soyons plus que les jouets passifs d'un gouvernement divin régnant sur toutes choses. Mais attention, Dieu, la Cité et les passions ne ressemblent à des ennemis de la liberté que tant que leur concept demeure mal défini. Notre tâche sera justement de montrer qu'en réalité, il n'y a aucunement contradiction à affirmer sa liberté d'une part, et à croire en Dieu, appartenir à une société, et avoir des passions de l'autre.