La jeune fille à l'école des saints

« Il est une école morale et spirituelle au plein sens du mot à laquelle on ne songe pas assez dans la pratique chrétienne : celle des saints. Non pas tant en cherchant à suivre une méthode ou un code de spiritualité, chose intrinsèquement excellente mais non abordable pour tous, qu’en réalisant au jour le jour les enseignements qui se dégagent d’une vie de saint. Il y a là une variété que l’on ne soupçonne pas.

Parce que nous voulons toujours voir le saint pâmé d’extase ou raidi d’effort. Or il n’est ni en sucre, ni en bois, mais en chair et en os comme nous et subissant les mêmes lois ou les mêmes contraintes humaines : pays, milieu, entourage, chair, cœur, esprit, âme, difficultés et traverses de tous genres. Ce qui le rend différent de nous, c’est la force de la grâce divine, certes, mais aussi la réponse totale et sans reprise qu’il donne à cette même grâce. Alors il se sépare de nous à grands coups de volonté et, à son insu, forme sa personnalité.

Si bien que nous mettre chaque mois à l’école d’un saint, c’est nous mettre à l’école du Christ. Et prendre non seulement une leçon de sainteté mais aussi de volonté. Dans la multiplicité des buts que cette faculté poursuit, des caractères qu’elle met en jeu, des actes qu’elle déclenche avec l’ampleur de leurs conséquences.

Alors le saint qui apparaît personnel, parce qu’il reproduit en relief quelque trait de l’infinie personnalité du Christ, n’est plus ni lointain ni incompréhensible. Il se prolonge, descend à notre portée, se mêle à notre vie, la mène, puis reprend de la hauteur et nous entraîne vers les horizons sûrs où l’on se parfait. Ceux du bon sens que domine toujours le grand sens du divin.

Car il n’y a pas de sainteté vraie si les vertus surnaturelles négligent l’apport solide des qualités naturelles, ce qu’oublient trop d’âmes dans leur recherche de la perfection. Par là même elles la stérilisent ou la rendent désagréable à autrui. Le saint, au contraire, toujours s’en sert. Et c’est sa belle ordonnance du plan divin superposé au plan humain qui, en faisant sa grandeur, nous le rend attirant, attractif, au-dessus et près de nous. »

                                                               L’auteur dans l’introduction.