Le néant artistique abusivement appelé art contemporain est la lointaine suite de la crise de la peinture déclenchée par le progrès technique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Sous l'effet de cette crise, la religion de l'art inventée par le romantisme s'est trouvée privée de sens. La délirante sacralisation de l'artiste par la philosophie allemande, qui lui conférait le statut de voyant, de messie, de philosophe, a basculé au XXe siècle dans l'absurde, le dérisoire, voire l'abject.
Tel est le prétendu art contemporain : une religion séculière de la falsification de l'art, où l'adoration de l'art a fait place à celle du soi-disant artiste, et où l'oeuvre d'art se trouve remplacée par n'importe quoi pourvu qu'il ne s'agisse pas d'art. Aussi bien tout cela est-il aujourd'hui très vieux. Dès les débuts du XXe siècle, les figures les plus radicales des avant-gardes avaient été au bout de la logique du remplacement de l'art par n'importe quoi. Tout ce qui s'est fait depuis dans ce sens n'est qu'une fastidieuse rabâcherie.
Né de la volonté politique de la classe dirigeante américaine au temps de la guerre froide, le succès mondial du prétendu art contemporain est à beaucoup d'égards un accident de l'histoire. Il n'en reste pas moins que l'aberrant triomphe de cet ersatz d'art renvoie les sociétés occidentales actuelles à leur profonde déculturation.
Agrégé des Facultés de droit, Jean-Louis Harouel est professeur à Paris II. Auteur d'une quinzaine de livres, il a notamment étudié en juriste l'histoire de l'Etat, de l'administration et de la ville. Il est en outre spécialiste de sociologie de la culture ("Culture et contre-cultures", PUF, 2002). Il a publié récemment, chez Jean-Cyrille Godefroy, en 2012, "Le vrai génie du christianisme", primé par l'Institut de France, et en 2014 "Revenir à la nation", salué par des éloges unanimes et des articles d'Eric Zemmour, Jean Sévilla et Yvan Rioufol.