Un christianisme sans chrétienté ?
4/5 https://blogs.letemps.ch/
.----. Dans son dernier petit essai, la philosophe décrit la disparition de la chrétienté, c’est-à-dire de cette civilisation européenne issue de la foi chrétienne et qui aura forgé les lois, les mœurs et les arts au long de seize siècles qui courent de la fin du IVe siècle au milieu du siècle dernier.
Elle décrit les effets de ce qu’elle appelle l’inversion normative, c’est-à-dire de ce renversement au titre duquel ce qui était autrefois interdit devient aujourd’hui non seulement autorisé mais promu. Lorsque le christianisme s’impose dans l’Antiquité en déclin, il impose un grand nombre de normes au sujet du divorce, de l’avortement et de l’infanticide, le suicide et l’homosexualité, autant de pratiques largement répandues chez les Grecs et les Romains. Selon Delsol, leur retour depuis la deuxième moitié du XXe siècle ne constitue pas seulement un effondrement de la morale chrétienne mais un retour au paganisme. Cette inversion normative repose à son tour sur une inversion ontologique, c’est-à-dire une inversion du sens premier des choses. Car dès lors que la foi en l’homme créé à l’image de Dieu et donc en sa dignité intrinsèque disparaît, les lois qui s’opposent mettons à l’avortement ou au suicide assisté deviennent une entrave à la liberté individuelle, désormais la mesure de toute chose.
Enfin, Chantal Delsol envisage pour l’avenir, en Europe en tous cas, un christianisme sans chrétienté, où les chrétiens, dans leur composante catholique surtout, après avoir livré toutes les batailles sociétales et les avoir toutes perdues, mèneront la vie des minorités religieuses à l’instar de celles que vivent les Juifs. Sur l’autre rive de l’Océan Atlantique, Rod Dreher avait avancé la même thèse en 2017 avec The Benedict Option, où il appelle les chrétiens à vivre dans des monastères virtuels au sein d’une société athée.
En marge de livre, il apparaît aux yeux de La Ligne Claire que le Pape François est effectivement le premier pape de la post-chrétienté. Peu intéressé par l’héritage culturel européen, il se fait l’apôtre d’un christianisme humanitaire qui résonne avec les valeurs de l’écologie et où on peine à distinguer quelque transcendance. Le temps où le Général de Gaulle pouvait dire « La République est laïque mais la France est catholique » paraît effectivement révolu.
[ Signé : Dominique de la Barre le 9 avril 2022 sur le blog La Ligne Claire ]
P.S. : Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.
Christianisme sans chrétienté
4/5 Francis Richard
L'énergie incroyable avec laquelle la culture chrétienne se bat depuis deux siècles pour ne pas mourir, démontre à l'évidence qu'elle a bien formé un monde cohérent dans tous les domaines de la vie - appelé Chrétienté.
La Chrétienté, cette civilisation vieille de seize siècles est à l'agonie depuis la moitié du XXe siècle. Sa remise en cause a commencé avec la Renaissance; elle s'est poursuivie avec la Révolution française qui s'est accomplie en s'y opposant parce qu'elle était l'ennemie de la modernité:
La Chrétienté comme civilisation est le fruit du catholicisme, religion holiste, défendant une société organique, récusant l'individualisme et la liberté individuelle.
UNE RÉVOLUTION AU SENS STRICT
Dès lors son agonie était inéluctable, malgré des soubresauts dans l'entre-deux-guerres du XXe siècle. La modernité ne s'est pas traduite pour autant par le règne de l'athéisme et du rationalisme tout-puissant. L'esprit religieux, inhérent à l'homme, ne s'est pas éteint avec le progrès:
Il faut, je crois, comprendre le moment que nous vivons comme une révolution, au sens strict de retour de cycle, dans les deux domaines fondateurs de l'existence humaine: la morale et l'ontologie.
Chantal Delsol montre que nous sommes à la fois les sujets et les acteurs d'une inversion normative; et d'une inversion ontologique. C'est dire que nos préceptes moraux aussi bien que nos visions du monde - avec notre place au sein de ce monde - sont en train de se renverser.
L'INVERSION NORMATIVE
Quand le christianisme, à partir du IVe siècle, devient religion dominante, il s'impose très vite par la force, utilise une partie de ce qui existe et le transforme, puis, progressivement, pénalise le divorce, l'avortement et l'infanticide, réprouve le suicide, persécute les homosexuels.
À partir du XVIIIe siècle et de la Révolution, le mouvement inverse est initié; ce qui avait été aboli redevient la norme: la société évolue dans le sens d'une liberté individuelle de plus en plus grande. La finalité est claire: pouvoir permettre à chacun tout le possible technologique.
La morale est tournée vers le bien-être de l'individu, sans aucune vision anthropologique: ce qui compte, c'est le désir et le bien-être à l'instant même. La pédophilie, qui nuit à l'enfant, est récusée, mais pas l'IVG qui s'attaque à un être inconscient et bénéficie à la femme enceinte, etc.
L'INVERSION ONTOLOGIQUE
Cette inversion normative n'aurait pu se faire sans une inversion ontologique, au sens classique de la science des premiers principes. Or la foi dans les principes chrétiens s'est effondrée, ce qui les a rendus illégitimes: Ce qui fonde une civilisation, [.] c'est la croyance en une vérité.
Une telle inversion s'était produite quand le monothéisme juif, religion secondaire, i.e. faisant appel aux notions de révélation, de foi, de sagesse intérieure, et devant être entretenue, avait remplacé le polythéisme, religion primaire, i.e. naturelle, occupant la place si elle est libre.
Cette fois, la différence, c'est que la religion secondaire qu'est le christianisme a été rejetée et qu'au lieu de l'athéisme ou du nihilisme, c'est le polythéisme, notamment asiatique, qui s'y est substitué, répondant aux exigences générales du moment et principalement à l'égalitarisme:
Le panthéisme dans le domaine religieux, la démocratie dans le domaine politique, considèrent l'un comme l'autre l'humanité comme une grande masse dont les individus sont des atomes égaux et faibles.
L'ÉCOLOGISME
Il n'est donc pas étonnant que l'écologisme, qui est apologie de l'élan vital et de l'éternel naturel, soit, parce qu'il est lié à la défense de la nature, le polythéisme le plus prometteur pour l'homme post-moderne, d'autant qu'il efface le dualisme qui caractérise le judéo-christianisme:
La sacralisation de la nature constitue le socle religieux le plus primitif et le plus rudimentaire, celui qui vient pour ainsi dire tout seul, et dans n'importe quelle société humaine.
Aussi l'écologisme est-il une religion primaire, avec sa liturgie et ses normes morales. Alors que dans les religions secondaires, celles-ci viennent de Dieu, dans les religions primaires, elles viennent de la société humaine, i.e. issues des us et coutumes, et que l'État en est le gardien.
LA MORALE D'ÉTAT
Au tournant du XXIe siècle, l'Église abandonne son rôle de gardien des normes morales et ce dernier revient à l'État.
La nouvelle morale, commune, qui reprend et recycle les vertus évangéliques, c'est l'humanitarisme (et non pas l'humanisme qui plaçait l'homme au centre de l'univers), une philanthropie assez pleurnicharde et très victimaire, qui est dominée par l'émotion et le sentimentalisme.
Cette morale n'est plus rattachée à une religion et ignore toute transcendance. Elle est décrétée par l'élite gouvernante, qui promeut les lois pour la faire appliquer, et éventuellement la fait appliquer par injures et ostracisme. Elle est omniprésente à l'école, au cinéma, dans les familles:
Quand il faut la redresser ou lui assigner une bonne direction, c'est l'élite gouvernante qui s'en charge. Les gouvernants européens représentent à cet égard le tabernacle de la cléricature. Bref, nous sommes revenus à une situation typique de paganisme: nous avons une morale d'État.
CHRISTIANISME SANS CHRÉTIENTÉ
L'Église a honte de la Chrétienté comme pouvoir et comme contrainte et elle aspire à d'autres formes d'existence.
Le personnel de l'Église a mauvaise conscience et tombe dans la repentance, rallie les courants de pensée qui le mettent en cause, se soucie d'écologie pour se montrer moderne; une partie même glisse dans le panthéisme. Il en vient à mettre en doute l'idée de mission et de transmission.
<p align="right">Signé : Fancis Richard sur : Le blog de Francis Richard - "Semper longius in officium et ardorem" le 31 octobre 2021 <a href= https://www.francisrichard.net/ target=_blank>www.francisrichard.net</a>
Contre-point
3/5 https://www.hommenouveau.fr/
.----. Requiem pour une chrétienté défunte ? contre-point au dernier livre de Chantal Delsol.
Chantal Delsol, philosophe spécialiste de l’Antiquité gréco-romaine, élève de Julien Freund, a infléchi en cours de carrière sa passion spéculative vers l’étude de la pensée contemporaine. Professeur des Universités, désormais émérite, elle a publié de nombreux essais dont la tenue intellectuelle et la hauteur de vue lui ont valu d’être élue, en 2009, à l’Académie des sciences morales et politiques. Le dernier en date : La fin de la chrétienté, vient de paraître aux éditions du Cerf.
Cette catholique, mère de six enfants (dont un adoptif), élevée dans un milieu favorisé du Lyonnais, n’a jamais caché son aversion pour le communisme, lequel était encore, durant ses études, l’opium des intellectuels, selon l’expression heureuse de Raymond Aron. Libérale-conservatrice, selon ses dires, soutien discret mais fidèle des choix de société cruciaux tels que le refus du mariage pour tous, ou la dénonciation de l’effondrement général du niveau scolaire, cette observatrice attentive de ses semblables jouit d’un crédit notable auprès des milieux catholiques soucieux de le rester.
Un livre accessible et… décevant
Cette Fin de la Chrétienté méritait donc l’étude, en raison de l’excellente réception dont l’ouvrage a fait l’objet, d’une part, et de son contenu, provocateur plus encore que décevant, d’autre part. Son succès tient aussi à son accessibilité. En 170 pages lisibles par un presbyte assis sur ses lunettes, l’affaire est conclue. La Chrétienté n’est pas l’Eglise. « Il s’agit de la civilisation inspirée, ordonnée, guidée par l’Eglise ». Elle a duré 16 siècles, de l’Edit de Milan à la dépénalisation de l’IVG. Elle est désormais défunte. Elle a lassé les peuples qu’elle animait, et savez-vous de quelle façon ? « Nous avons profané l’idée de vérité, à force de vouloir à tout prix identifier la Foi à un savoir » (p.125). Cet abus aurait précipité sa fin. La croyez-vous inconsolable de ce désastre ? Que nenni : « Renoncer à la Chrétienté n’est pas un sacrifice douloureux. » (p.170). In cauda venenum.
En clair, la Chrétienté serait morte de s’être prise au sérieux. L’harmonie entre l’Eglise et la cité chrétienne n’aurait pas survécu à la tyrannie de la vérité, aggravée du refus radical de la Modernité. Cette thèse choyée des novateurs, sans discontinuité depuis les abbés démocrates du XIXe siècle et les modernistes de la Belle Epoque jusqu’à nos jours, pourrait suffire à remiser l’ouvrage, si n’était en question le sens de ce nouvel assaut de la part d’une érudite passant pour proche des milieux traditionnels. A vrai dire, si la thèse n’est pas neuve, et sauf à n’être pas comprise, il n’était pas d’usage, dans nos rangs, qu’elle soit applaudie ! ...
[ Début de l'article rédigé par Philippe de Labriolle le 19 avril 2022 dans Tribune libre ]
F.D. oublie l'éxistence de Dieu.
3/5 http://www.belgicatho.be
.----. Françoise Delsol oublie l'existence de Dieu, qui préside seul à son Eglise et lui donne croissance et décroissance. Voici comment l'Ecriture répond à ceux qui annoncent depuis 2000 ans la fin de la chrétienté :
Apocalypse 11, 3 Mais je donnerai à mes deux témoins de prophétiser pendant 1.260 jours (= 3,45 années), revêtus de sacs."
Mais quand ils auront fini de rendre témoignage, la Bête qui surgit de l'Abîme viendra guerroyer contre eux, les vaincre et les tuer. Et leurs cadavres, sur la place de la Grande Cité, Sodome ou Egypte comme on l'appelle symboliquement, là où leur Seigneur aussi fut crucifié,
Les habitants de la terre s'en réjouissent et s'en félicitent ; ils échangent des présents, car ces deux prophètes leur avaient causé bien des tourments. Mais, passés les trois jours et demi, Dieu leur infusa un souffle de vie qui les remit sur pieds, au grand effroi de ceux qui les regardaient.
[ Écrit par : Arnaud Dumouch le mercredi 20 avril 2022 en commentaire d'un texte de Philippe de Labriolle sur le site de l'Homme Nouveau ]