Lecture vivement recommandée.
5/5 Lectures Françaises.
.----. Extrait d'un long article (13 pages) de Jean-Baptiste Geffroy sous le titre " Le juge tyran ".
" Une des tendances les plus contestables développées par le Conseil constitutionnel est de hiérarchiser les principes qu'il doit protéger, alors qu'il se doit de les concilier. Cette hiérarchisation s'est établie au profit d'une défense prioritaire des droits individuels. Comme l'a bien souligné .-E. Schoettl, " L'engouement pour les droits fondamentaux, pavé des meilleures intentions humanistes, évince toujours davantage l'intérêt général, les valeurs collectives... au profit de prétentions individuelles et catégorielles " (1)...
(1)Voir le récent et remarquable ouvrage de Schoettl, La Démocratie au péril des prétoires. De l'Etat de droit au gouvernement des juges (Gallimard, 2022), ouvrage dont nous recommandons vivement la lecture."
[ Numéro 787 - novembre 2022. Notre revue parait depuis 1957, vous trouverez tous les numéros présentés sur ce site et ils sont souvent encore disponibles ]
Introduction d'une émission :
5/5 https://rcf.fr/
.----. "Si tout le monde convient que le juge remplit un rôle indispensable dans la société, certains considèrent que depuis plusieurs décennies, le juge est sorti de son rôle, qu’il va trop loin et qu’il a, d’une certaine manière, pris l’ascendant sur le pouvoir législatif et exécutif. Est-ce possible ? En quoi cela serait-il un problème pour la démocratie et pourquoi ce glissement s’est-il réalisé ? Notre invité ce soir est convaincu de la réalité du problème puisqu’il a publié chez Gallimard : « La démocratie au péril des prétoires. De l’état de droit au gouvernement des juges ». Nous avons le plaisir de recevoir Jean-Éric Schoettl."
[ Il a été interviewé par l’ECLJ le 2 juillet 2022 ]
PS : L'ECLJ c'est «l'European Center for Law and Justice». Notamment basée à Strasbourg, son équipe propose chaque semaine un cas traité où le droit... est en débat! Chaque samedi à 18h10 sur RCF Alsace.
"L'État de droit" a été érigé en veau d'or
4/5 Boulevard Voltaire
.----. La loi est l'expression de la volonté générale. Enfin, elle l'était. Le mythe de la loi souveraine tenait car, sur le plan démocratique, l'élection de parlementaires au suffrage universel n'apparaissait pas comme une incongruité. Bien sûr, le système avait ses limites, à l'image de la démocratie représentative : parlementaires bridés par les partis politiques ou commission des finances toute-puissante à l'Assemblée nationale agissent comme un Parlement dans le Parlement.
Il y avait néanmoins un mérite à ce système, qu'il est difficile de ne pas lui reconnaître : une certaine modestie. Une majorité peut se tromper, comme n'importe quel être humain. C'est justement parce que ce système était à l'image de l'être humain, avec ses forces et ses faiblesses, qu'il inspirait, somme toute, une certaine confiance.
Il lui a été substitué, de manière subreptice, depuis une quarantaine d'année, un autre système, plus prétentieux qui, davantage que sur la volonté de la majorité, se fonde sur les valeurs. Au-dessus des lois, il y a désormais des valeurs qui s'imposent aux États, aux peuples et aux citoyens. Ces valeurs, que l'on appelle parfois libertés fondamentales, priment sur tout le reste, y compris sur la volonté du peuple lorsqu'il s'exprime par référendum. Sur ces valeurs qui ont ceci de fascinant qu'elles sont à la fois universalistes et européanistes, individuelles et catégorielles, ethniques et communautaristes ; enfin, tout, sauf nationales : le juge, autrement dit le gardien du temple, veille.
Parce qu'il est un sage, il peut même se permettre d'aller beaucoup plus loin. Du contrôle de la conformité de la loi à la Constitution, il est passé au contrôle de sa conformité aux libertés fondamentales, ces fameuses libertés qui sont bonnes pour tout le monde sauf pour les citoyens et les États. Ces libertés, il peut même les créer si l'humeur lui en dit.
Dans sa tâche, il est aidé par des associations militantes dotées de la capacité de se porter parties civiles, des autorités administratives indépendantes comme le Défenseur des droits, des organismes non gouvernementaux et, par-dessus tout, par les institutions européennes, aussi bien celles de l'Union européenne que de la Convention européenne des droits de l'homme. La primauté du droit international et européen ne laissant aucune chance à une institution nationale qui tenterait de résister.
Jean-Éric Schoettl, dans La Démocratie au péril des prétoires. De l'État de droit au gouvernement des juges, publié chez Gallimard, cette semaine, analyse ce phénomène. Il montre comment il s'est opéré, comment « l'État de droit » a été érigé en veau d'or par des gens qui y trouvaient leur intérêt.
Il montre comment la montée en puissance de cet « État juridictionnel » est devenue la norme. Un phénomène d'accoutumance s'est opéré. Et gare à ceux qui seraient tentés par la résistance. La Pologne ? La Hongrie ? Elles n'ont qu'à s'en prendre à elles-mêmes. Les traités ne disent rien en matière d'avortement, de mariage entre personnes de même sexe ! Ils ne disent rien sur le statut des magistrats ! Seulement, il y a les valeurs fondatrices de l'Union européenne. Des valeurs fondatrices qui n'existaient pas au moment de la fondation. Mais comme il a été décidé qu'elles avaient le statut de valeurs, elles sont devenues fondatrices a posteriori. Il fallait y penser avant.
[ Signé : Ramu de Bellescize, Maître de conférence à l'université de Rouen le 26 mars 2022 ]