Comment devient-on polémiste ? En fait, tous ses contemporains, tous ses amis, ont répondu à cette question : Henri Béraud n'est pas devenu polémiste ? : c'était son tempérament d'origine, il avait la polémique dans le sang. Quand il publie La croisade des longues figures, le premier de ses pamphlets (1924), Béraud ne se situe nullement sur le terrain politique ou sur celui, plus large, de la confrontation des idées.
C'est une polémique interne au monde de l'édition, au monde des écrivains. Béraud oppose les écrivains verbeux et cérébraux, aux auteurs populistes, qui racontent de vraies histoires, et qui sont lus. Cette polémique-là ne doit rien aux grands débats existentiels du moment. Les deux autres pamphlets du présent recueil ont un caractère plus politique. Faut-il réduire l'Angleterre en esclavage ? ? s'en prend à la perfide Albion.
Mais ne nous y trompons pas : ce texte date de 1935 et pas de l'Occupation. Quant aux Raisons d'un silence (1944), c'est un ouvrage qui règle ses comptes avec Horace de Carbuccia, le patron de Gringoire auquel Béraud reproche son retournement de veste, alors qu'une victoire anglo-américaine semble devenir possible.
Henri Béraud (1885-1958) a été Grand reporter au sein des rédactions des plus grands titres de son époque, comme L'Oeuvre, Le Petit Journal, Le Journal, Gringoire pour lesquels il parcourt l'Europe et le monde. Rassasié de voyages, et profitant de la tribune que lui offre, à partir de 1934, l'hebdomadaire Gringoire, il va laisser libre cours à sa verve, multipliant les interpellations flamboyantes et les formules choc.