L'Orient a fait irruption dans notre civilisation par le biais de la tradition judéo-chrétienne. Souvent ignoré pendant le Moyen Age, l'Orient devient une menace permanente pour l'Occident avec la formation de l'Empire byzantin, l'affrontement avec le monde arabe en Espagne, les croisades en Terre Sainte, la prise de Constantinople par les Ottomans. Mais la nécessité de développer de nouvelles routes commerciales, l'attrait pour sa culture, ses moeurs, ses mystères, poussent les voyageurs à l'explorer et les peintres à le représenter.
Dès la Renaissance, de grands artistes (les Bellini, Carpaccio, Dürer) s'attachent à décrire cet univers à la fois séduisant et un peu inquiétant dans leurs oeuvres. Le Siècle d'Or est à son tour hanté par ce qui est devenu une nouvelle manière de théâtraliser l'histoire ou de lire la Bible. La campagne de Bonaparte en Egypte donne une impulsion formidable à la connaissance de l'Orient. Les artistes se passionnent pour les découvertes de l'archéologie.
Par la suite, l'engagement des romantiques au côté des Grecs luttant pour leur indépendance et les conquêtes coloniales donnent naissance à un genre pictural: l'orientalisme. Les peintres orientalistes, c'est-à-dire les peintres pour qui "l'Orient" au sens large a constitué la principale source d'inspiration, vécurent, pour la plupart, au XIXe siècle. Les uns en font le matériau exclusif de leur création, comme Decamps, Fromentin ou Gérôme.
Les autres, comme Delacroix, accordent une place importante à l'Orient dans leur oeuvre sans toutefois qu'elle soit prépondérante. Enfin, certains ne sont jamais allés en Orient, tels Ingres, Chassériau ou Moreau, mais en explorent les termes légendaires. En Grande-Bretagne, avec E Lear, W-H Hunt, Lewis ou lord Leighton, en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Espagne, des écoles orientalistes voient le jour.
L'auteur a voulu étudier aussi bien les précurseurs du mouvement orientaliste proprement dit (Gentile Bellini, Vittore Carpaccio) que les célébrités du XIXe siècle (Théodore Chassériau, Eugène Delacroix, Eugène Fromentin, Jean-Léon Gérôme, William Holman Hunt, Jean-Dominique Ingres, David Roberts, James Tissot, Horace Vernet). La peinture orientaliste commence son déclin au début du XXe siècle. En revanche, des esprits novateurs, quelques-uns des pionniers de l'art moderne (Kandinsky, Klee, Macke, Matisse, Camoin, Van Dongen, Marquet, etc.) ont inscrit de manière décisive l'Orient dans leurs recherches.
Les amateurs de cet "art qui fait voyager" sont de fidèles adeptes de cet exotisme dont la vogue, comme le démontre Gérard-Georges Lemaire, est déjà ancienne.
Gérard-Georges Lemaire est né à Paris en 1948. Il a fait ses études à l'Institut d'histoire de l'art et à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes. Ecrivain, historien et critique d'art, traducteur, journaliste, il a créé la collection "Connections" chez Flammarion en 1974, puis la collection "Les Derniers Mots" chez Christian Bourgois où il a dirigé par ailleurs la revue L'Ennemi (1980-1996).
Il a organisé plus de 70 expositions en France et à l'étranger. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont : Les Préraphaélites (Christian Bourgois, 1989), Telve (Christian Bourgois, 1992), Le Futurisme (Editions du Regard, 1995), Les Cafés littéraires (Editions de la Différence, 1997), Métamorphoses de Kafka (Eric Koehler/Musée du Montparnasse, 2002), Kafka et Kubin (Editions de la Différence, 2002), Kafka et Prague (Éditions du Chêne, 2002), Maisons d'artistes (Editions du Chêne, 2004), Histoire du Salon de peinture (Klincksieck, 2004), Beat Generation : une anthologie (Al Dante, 2004), Le Noir (Hazan, 2006) Il est actuellement directeur littéraire de Verso et responsable de la rubrique Arts aux Lettres françaises.