Nous sommes loin des origines de l'instruction publique. Certes, il a toujours existé des "pensées uniques", comme on dit aujourd'hui, des croyances prépondérantes, voire intolérantes, mais jamais on n'aura vu, comme depuis la République, ce souci d'unicité produire un tel système. Aux différents temps monarchiques, aussi bien ceux de la féodalité que de l'absolutisme moderne, les écoles étaient d'abord épiscopales - le savoir édifié dans les monastères ayant plus rarement vocation pédagogique - puis les universités, suivant l'exemple de celle de Bologne, ont dépendu plus largement de l'autorité pontificale, et leur autonomie allait jusqu'à offrir aux étudiants en France des privilèges civiques étonnants, jusqu'en matière pénale. Dans un pays où cohabitaient - tant bien que mal, mais quelle cohabitation est parfaite ? - deux autorités, l'une spirituelle, l'autre temporelle, on pouvait certes préparer une élite à servir l'Etat, mais en tant que telle l'oeuvre d'instruction se contentait d'instruire. Il n'est pas anodin, d'ailleurs, qu'à mesure que son emprise s'est resserrée, la République ait fini par remplacer son ministre de "l'instruction publique" par un ministre de "l'éducation nationale" : mots parlent d'eux-mêmes, il s'agit pour le Régime non plus seulement d'offrir un savoir, mais de façonner les mentalités.
Pierre Van Ommeslaeghe est né en 1964. Professeur de philosophie dans l'enseignement public, il est également engagé dans le syndicalisme enseignant. Marié, père de deux enfants, il a auparavant été éducateur au Ministère de la Justice. Ces activités l'ont naturellement amené à s'intéresser aux questions d'éducation.