" âpre beauté de cet ouvrage "
5/5 Culture et Lectures des Jeunes.
.----. Un jeune prêtre, d'origine modeste, est nommé curé d'Ambricourt, un pauvre village baignant d'ennui. Il tient son journal, pour fixer ses pensées ; note, sans choisir, ce qui lui passe par la tête.
A travers ces pages, ses problèmes personnels et paroissiaux apparaissent. Il nous parle, avec simplicité, de ses projets, de ses faux pas, de ses démêlés avec les gens du château et les enfants du catéchisme. On partage les épreuves spirituelles accompagnant sa recherche assoiffée de Dieu, ainsi que les souffrances occasionnées par son estomac. Il transcrit ses discussions, en particulier avec le curé de Torcy, précieux ami et bon conseiller, ou avec le docteur Delhende, vieil anti-clérical.
Cependant son trop grand zèle, en plus de faire naître l'hostilité du village et la méfiance de ses supérieurs, ruine sa santé. Il va en ville consulter un spécialiste, qui diagnostique le cancer. Il a une crise en rendant visite à l'un de ses anciens camarades de séminaire et meurt chez ce prêtre défroqué. Sa dernière parole, avant de rejoindre Dieu, est pleine d'espoir : "tout est grâce".
Ce récit montre les aspects naturels et surnaturels de la vie d'un prêtre en contact avec Dieu et ses frères. Il ne faut pas y chercher de thèse. Les conversations sur le rôle de l'Eglise, de la pauvreté, des saints, de l'armée ou de la petite bourgeoisie ne constituant pas des prises de position de l'auteur.
Tout le livre est parsemé de remarques d'une grande profondeur spirituelle, p. 98, par exemple : "Le péché contre l'espérance, le plus mortel de tous, et peut-être le mieux accueilli, le plus caressé. Il faut beaucoup de temps pour le reconnaître, et la tristesse qui l'annonce, le précède, est si douce. C'est le plus riche des élixirs du démon, son ambroisie. P. 108 "cette expression de "perdre la foi" comme on perd sa bourse ou un trousseau de clefs m'a toujours paru un peu niaise". Ou p. 127 : "le monde du mal ne sera toujours qu'une ébauche d'une création hideuse, avortée, à l'extrême limite de l'être".
POUR QUI CE LIVRE ? : On pourra saisir dès 19 ans l'âpre beauté de cet ouvrage, mais il ne plaira pas à tout le monde. C'est une tranche de vie, celle d'un prêtre malade. C'est dire que le ton n'est pas joyeux. [Culture et Lectures des Jeunes , numéro VIII - Noël 1968 ]