"Il était veule, faible, corrompu, beau, généreux". Ainsi Simone Signoret, amie de sa fille l'actrice Corinne, décrit Jean Luchaire. Né en 1901 à Sienne, dans un milieu universitaire et artistique de haut vol, il avait tout pour réussir. A 15 ans, ce graphomane crée sa première revue littéraire. A 20 ans, il tâte de la diplomatie sous l'aile d'Aristide Briand. A 26, il fonde le mensuel Notre Temps, où collaborent, entre autres jeunes gens prometteurs, Mendès France et Brossolette.
Débordant d'idées, jamais en peine d'un article, introduit dans la radio et le cinéma, tête de multiples réseaux, cet enfant chéri de l'entre-deux-guerres est adulé du Tout-Paris des arts, du spectacle et de la politique, argent, femmes et jazz à gogo.
En 1930, ce militant philosémite et antifasciste de la première heure rencontre Otto Abetz. Commence alors une lente dérive vers l'Allemagne qui le conduira, par conviction pacifiste et par intérêt matériel, à toutes les complaisances. En 1940, Luchaire fonde Les Nouveaux Temps, phare de la presse collaborationniste, et devient le véritable patron de la presse sous l'Occupation. Vient le temps des moisissures et de l'infamie intellectuelle et morale. Titulaire à Sigmaringen d'un fantomatique commissariat à l'Information, Luchaire est fusillé au fort de Châtillon en février 1946. Il n'avait pas 45 ans.
Entre fulgurance, imprudence et jouissance, la trajectoire foudroyante et foudroyée de ce feu follet forme ce que l'on appelle un destin.
Docteur ès lettres, Cédric Meletta, né à Nancy en 1973, est enseignant et formateur. Cette biographie est son premier livre.