Jean Bart au service de Louis XIV.
3/5 Fideliter N° 215 Sept-Oct 2013
On confond souvent pirates et corsaires. Certes, le monde maritime n'a pas moins d'aventuriers ni de brigands que le monde terrestre dont il est le prolongement. Mais les pirates, forbans et autres flibustiers écument les mers en s'emparant des cargaisons de leurs proies sans distinction de nationalité et dans leur intérêt propre. La piraterie existe toujours en mer. La "course", elle, opérée par les "corsaires" s'est codifiée avec le temps.
Dés le XVIe siècle, les grandes nations maritimes européennes fondent des cours de justice qui valident les prises de la "course" opérées durant les temps de guerre. Il s'agit de s'attaquer aux navires de l'ennemi pour nuire à sa pêche, à son commerce et ainsi en affaiblir les ressources. Ne pouvant généralement pas assurer eux-mêmes la gestion de ces attaques, les monarchies encourageaient des armateurs privés et leur laissaient le soin de construire les navires ou leur en louaient , de recruter les matelots et les officiers qui pratiquaient cette guerre de course, certains d'entre eux appartenant à l'armée royale.
Les bénéfices des prises étaient ainsi partagés entre les Etats, les armateurs et le personnel navigant. Tel fut le corsaire Jean Bart, au temps du Roi-Soleil. Les guerres du XVIIe siècle entre l'Angleterre et la Hollande, puis entre la France et la Hollande, l'essor de la marine française sous l'impulsion de Colbert , furent le contexte propice à cette grande famille de marins que furent les Beert, famille flamande de Dunkerque, dont le nom fut francisé en "Bart". Dunkerque est devenue définitivement française en 1662, achetée aux Anglais quatre ans après avoir été prise aux Espagnols par les Français, et cédée aux Anglais selon un accord de guerre. C'est là qu'était né Jean Bart, en 1650.
Après des débuts effectués au service des Hollandais, c'est essentiellement dans la Mer du Nord et dans la Manche qu'il accomplit ses exploits au service de Louis XIV, à part ir de 1679, après de courtes missions en Méditerranée . Parmi eux, on retient une prise décisive au large de l'île du Texel, en 1694, alors que la France souffrait d'une grave pénurie de blé. l' attaque victorieuse de navires hollandais remplis de céréales importés de Russie lui vaudra d'être anobli et promu. Louis XIV et Vauban mettront désormais en lui leur confiance, jusqu'à le nommer chef d'escadre, en 1697. Patrick Villiers, qui a étudié des archives inédites, livre ici une biographie bien renseignée qui brosse, au trave rs de la vie et des hauts faits d'armes de Jean Bart, la mutation des guerres maritimes entre les grandes puissances occidentales.
La maîtrise des mers et la guerre commerciale qui s'y livre, la nécessité de disposer d'une marine digne de ce nom, furent quelques-uns des enjeux économiques auxquels le règne de Louis XIV sut s'adapter. Abraham Duquesne (1610-1688), le maréchal de Tourville (1642-1701), Jean Bart (1650-1702), René Duguay-Trouin (1673-1736) furent ses plus célèbres marins ou corsaires, les héros lointains de Versailles.