Voici trente ans, Jacques Chirac rompait avec Valéry Giscard d'Estaing dont la "légitimité" lui semblait soudain discutable. Il avait pourtant invité les Français à se réunir autour de lui après la mort de Georges Pompidou. Pour soutenir son ambition personnelle, il divisa la majorité avec la création d'un parti entièrement à son service qu'il nomma Rassemblement pour la République avec un sens exquis de l'antiphrase.
Observateur aigu de la machinerie politique, Gilbert Comte, alors collaborateur en vue du Monde, entreprit, par une analyse précise de ses actes et des témoignages irréfutables sur ses procédés, de démêler quelles raisons pouvait avoir ce haut fonctionnaire, entré à petit bruit en politique, pour se déclarer capable d'assumer la responsabilité du pays.
Par un hasard aux limites de l'invraisemblance, Jacques Chirac et Gilbert Comte sont nés la même année, le même jour (29 novembre 1932) et au même endroit, à Paris, sur la rive gauche. La coïncidence, entre eux, s'arrête là. D'un côté, un réfractaire hanté par la longue déchéance de son pays, engagé depuis le plus jeune âge dans le combat politique et intellectuel afin de la combattre. De l'autre, un politicien rusé, sans projets, aux ambitions, prétentions, convoitises insatiables.
Connu aujourd'hui dans le monde entier, Jacques Chirac n'avance pas par les coups de génie du stratège, mais par les coups de poker du menteur, avec souvent des cartes truquées. Son vrai modèle est Timon d'Athènes, dans Shakespeare, dont le principe d'action se résume par : promettre et savoir se renier.
Comme "candidat du moindre mal" aux yeux de beaucoup, parvint-il à enserrer la France dans le mensonge, le déclin, l'immobilisme, quand sa clientèle peut regarder sur lui les stigmates de ses propres décompositions ? Réponse dans ces pages prémonitoires et vengeresses.