La question religieuse au centre de son action
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.----. Isabelle la Catholique règne sur la Castille, royaume central et principal de l’Espagne, de 1474 à 1504. Du fait de son mariage, en 1469, avec le prince puis roi d’Aragon Ferdinand (1479-1516), elle apparaît rétrospectivement comme la réunificatrice de l’Espagne. A cette union de la Castille et de l’Aragon s’ajoute en 1492 la conquête de Grenade, dernier royaume musulman au sud de l’Espagne. 1492 marque symboliquement la naissance de l’empire colonial espagnol avec la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb. La mise véritable en place de cet empire, du moins dans les grandes îles des Caraïbes, est en fait postérieure de vingt ans.
Une intéressante biographie de Marie-France Schmidt
Marie-France Schmidt, hispaniste reconnue, a proposé en septembre 2014 une intéressante biographie d’Isabelle la Catholique. Son travail démontre l’action exceptionnelle de l’homme d’Etat que fut la reine de Castille et pose la question controversée de sa sainteté, à peu près évidente au XVIème siècle, bien que jamais officiellement reconnue par l’Eglise, mais très discutée depuis la deuxième moitié du vingtième siècle. Son ouvrage, globalement très intéressant, souffre cependant de quelques petites lacunes à corriger dans une éventuelle réédition : absence de cartes, d’arbres généalogiques des familles royales ibériques et de chronologie, trois éléments qui auraient été très utiles en général, et en particulier aux néophytes.
La reine Isabelle de Castille, un homme d’Etat remarquable
Isabelle de Castille a bénéficié de hasards dynastiques malheureux, dont la mort de son frère, et de sa détermination au cours d’une guerre civile, pour s’imposer comme héritière, puis reine. Elle a éliminé de la succession Jeanne, peut-être fille de son frère le roi Henri IV (1454-1474), peut-être bâtarde d’un des amants de la reine, hypothèse très soutenable, d’où son exclusion, non-sanglante.
Isabelle a réussi à rétablir l’ordre intérieur, en réprimant les désordres nobiliaires persistants, soutenus par le Portugal voisin au début de son règne, et en réorganisant l’administration et les finances. Elle a mené une campagne de récupération des nombreux biens royaux usurpés. Surtout, elle a su mobiliser la noblesse pour une longue campagne de croisade contre le royaume maure de Grenade, meilleur moyen d’assurer aussi la paix intérieure.
La reine de Castille a aussi su coordonner les opérations militaires difficiles conduisant à la victoire finale à l’hiver 1491-1492, après une décennie d’efforts. Sans figurer au premier rang des combattants, elle a assuré la difficile et essentielle logistique, avec une présence effective dans les terres fraîchement reconquises, afin de prêcher par l’exemple et motiver les combattants. Cette victoire de 1492, comme la piété exemplaire de la reine, expliquent l’octroi par le pape Alexandre VI du titre de « rois catholiques » pour Isabelle et Ferdinand en 1496.
Après 1492, elle a tenté l’unification religieuse de son royaume et maintenu une paix entre royaumes chrétiens en Europe. Elle a ainsi accepté les traités de partage des terres ultramarines avec le Portugal, pourtant jugés en Castille trop favorable au Portugal, dont celui de Tordesillas de 1494, négocié par la diplomatie pontificale. Elle a exprimé ainsi quelques nuances par rapport à son époux Ferdinand, très sensible aux intérêts aragonais traditionnels, qui du Roussillon à Naples s’oppose directement aux ambitions des rois de France, Louis XI (1461-1483), Charles VIII (1483-1498), Louis XII (1498-1515). Dans ce domaine précis, Marie-France Schmidt tend à développer le point de vue espagnol, parfois discutable, dans les conflits avec la France.
La question religieuse au centre de son action
Isabelle la Catholique a tenu à bâtir une Cité chrétienne. Or, en Castille, d’importantes minorités juives et musulmanes ont subsisté durant plusieurs siècles. Après 1492, le nombre de musulmans a augmenté de manière considérable, allant probablement jusqu’à doubler, avec plus de 300.000 sujets musulmans.
La reine a été sensible à une question particulière, celle des conversos, c’est-à-dire des juifs formellement convertis au catholicisme, souvent un siècle plus tôt en 1391. Or ces conversos, tout en pratiquant publiquement les rites catholiques, ont pour beaucoup continué à pratiquer en secret la religion juive, retrouvant souvent leurs anciens coreligionnaires demeurés juifs.
Après 1492 est menée dans l’ancien royaume de Grenade une campagne de conversion des musulmans au catholicisme. Isabelle a suivi de près cette entreprise, insistant sur le côté volontaire de la conversion, et la nécessité qu’elles relèvent du choix conscient, faisant suite à une véritable instruction religieuse, par le moyen de catéchisme en langue arabe. Or, comme cela était le cas pour les conversos, beaucoup de ces nouveaux chrétiens d’origine islamique ont continué à pratiquer l’islam en secret, souvent en lien avec les Maures demeurés musulmans.
Grande catholique et sainte
C’est la volonté d’assurer des conversions sincères et profondes qui a amené Isabelle à prendre certaines mesures dures : l’expulsion des juifs en 1491, et celle des musulmans en 1501. Elle a été consciente des effets économiques négatifs de ces mesures, dont la désorganisation du système bancaire en Castille suite au départ des juifs, ou de certaines activités artisanales à Grenade. Mais elle a délibérément fait le choix de l’unité religieuse, afin d’assurer le salut de tous ses sujets, y compris des chrétiens de fraîche date.
Afin de consolider leur foi, et surtout de séparer les fidèles réels des coupables de pratiques crypto-juives ou crypto-musulmanes, elle a institué, avec l’accord pontifical, l’Inquisition (1483). Les centaines de morts sur les bûchers sont indiscutables. Elles ont toutefois épargné des milliers de vies, voire bien davantage, comme cela arrivait lors de répressions basées sur les seules rumeurs populaires, très hostiles aux nouveaux convertis.
Isabelle a montré, tout au long de sa vie, l’exemple d’une grande piété personnelle. Elle a renoncé plusieurs fois en signe d’humilité à certains habits royaux, en fait imposés par sa fonction, ce qui pose parfois problème à sa biographe. Elle fut une bonne mère de famille, ferme dans ses nombreux deuils, constamment soumise aux malheurs que Dieu permet pour notre sanctification.
Une sainteté qui devrait être reconnue, mais une cause bloquée dans l’ambiance actuelle
Sans oublier ses devoirs de reine, Isabelle a toujours montré une piété constante, toujours placé ses actions sous le signe de Dieu, se montrant digne de la reconnaissance de sa sainteté par l’Eglise. Elle est à peu près l’équivalent de saint Louis, roi de France, pour l’Espagne, avec des pratiques souvent comparables. Il est dommage que l’ambiance actuelle ait conduit à suspendre son procès en béatification en 1991, au nom de sa politique juive, incomprise et déformée suivant des jugements anachroniques faciles et erronés. [ reinformation.tv le 24 avril 2015 ]