Au Père Louis de Grenade, à Lisbonne.
Que la grâce du Saint-Esprit soit toujours avec vous, mon révérend père ! Amen.
Parmi ce grand nombre de personnes qui vous aiment en Notre-Seigneur à cause de la sainteté et de l'utilité de votre doctrine, et qui le remercient de vous avoir donné à l'Église pour faire un bien si grand et si universel aux âmes, je m'estime heureuse de vous faire savoir, mon révérend père, que vous pouvez compter Térèse de Jésus. Ce qui est encore vrai, c'est qu'il n'y a pas d'obstacle que je n'eusse surmonté pour aller voir celui que je lis avec tant de bonheur, si mon état et mon sexe me l'eussent permis. Quel besoin n'avais-je pas d'ailleurs de chercher des personnes telles que vous, capables de calmer les craintes où mon âme a vécu pendant plusieurs années ! N'ayant pas mérité cette faveur, je trouve du moins une consolation dans l'ordre que Monseigneur don Teutonio de Bragance m'adonne de vous écrire, chose que je n'eusse osé faire de moi-même. Me confiant dans l'obéissance, j'espère que cette lettre ne sera pas inutile, et que vous vous souviendrez de me recommander quelquefois à Notre-Seigneur. J'en ai un extrême besoin, obligée comme je le suis, sans presque aucun fonds de vertu, de vivre exposée aux yeux du monde, et ne justifiant en aucune manière la bonne opinion qu'on a de moi. Si vous saviez, mon révérend père, jusqu'où va ma pauvreté spirituelle, c'en serait assez pour vous déterminer à m'accorder la grâce que je vous demande, l'aumône de vos prières ; et vous le feriez d'autant plus volontiers, que nul ne comprend mieux que vous ce que c'est que le monde, et combien il doit en coûter d'être exposé à ses regards quand on a aussi mal vécu que j'ai fait. Cependant, malgré toute mon indignité, j'ai osé vous recommander souvent à Notre-Seigneur, et le supplier de vous accorder une très longue vie. Daigne cet adorable Maître exaucer mes vœux, vous faire croître en sainteté, et augmenter en vous son divin amour ! Amen.
L'indigne servante et sujette de Votre Paternité, Térèse de Jésus.
