L'Iliade, avec l'Odyssée, résonne au fond de notre imaginaire. Tous ne l'ont pas lue, mais chacun sait, avec plus ou moins de netteté, qu'elle est un des mythes fondateurs de notre civilisation. Auréolée de navires, de boucliers, de lances et de flèches, on en voit des bribes autour des remparts de Troie. Des figures apparaissent : Achille aux longs cheveux, Patrocle son ami si cher, Ulysse aux conseils avisés, les deux Ajax, le fougueux Agamemnon et son frère Ménélas que tous accompagnent pour reprendre la belle Hélène enlevée par Pâris, frère de l'intrépide Hector et fils de Priam, roi d'Ilion. Sur le mont Ida, les dieux veillent, se disputent, prennent parti, se mêlent aux destinées humaines, et l'on sent bien que l'Iliade est bien plus que le récit d'une guerre. C'est qu'il y a là tout le tragique et toute la noblesse des hommes : qu'ils soient liés par un serment ou par l'amitié, ils affrontent, chacun à leur manière un destin qu'ils connaissent parfois implacable. Ils implorent les dieux, offrent des sacrifices, tentent d'attirer leurs faveurs. Et les dieux répondent. L'homme n'est pas seul ; c'est cela aussi que nous disent ces épopées. Héritier d'une lignée - fils de son père, descendant d'un roi, d'un dieu même, fruit d'une nécessité parfois - chacun doit à ses ancêtres d'être digne de son sang. Héroïque et faible à la fois, coléreux, jaloux, inquiet, il peut tirer de ses défaillances mêmes la force de se surpasser et mourir au combat parce que là est son devoir. Le temps est suspendu ; les femmes attendent et pleurent un fils, un mari qui ne reviendra peut-être pas. Il combattra pour elles, périra peut-être, et s'il se sacrifie, avec courage et grandeur, elles, dans l'ombre, impuissantes à le fléchir, se sacrifient tout autant ; car elles aussi savent que les Moires ont tracé les destins. Ainsi, L'Iliade raconte cet instant où l'homme bascule, où le héros s'éveille, où luttent les sentiments contraires pour finalement laisser apaisé celui qui sait qu'il n'a pas failli.