Préface : C'était il y a un siècle. En 1919 s'esquissaient les premiers contours de ce qui deviendra l'aventure politique la plus fulgurante - et la plus controversée - du XXème siècle : le fascisme. Héritier tant du syndicalisme-révolutionnaire que d'un nationalisme revanchard et irrédentiste, fruit de la rencontre fortuite entre une audace impétueuse forgée dans les braises de la Grande Guerre, et de pressantes revendications populaires de justice, d'ordre et de légitimité, tout à la fois anti-bourgeois et anti-marxiste, le fascisme surgit en Italie dans le contexte confus d'une crise profonde du parlementarisme et de la menace de soulèvement insurrectionnel que faisaient planer les communistes sur la péninsule. À l'atonie démissionnaire des gouvernements libéraux qui menaient l'Italie à sa perte, le fascisme répondit par la vitalité, la fougue et l'autorité d'une génération incandescente qui avait découvert dans l'épreuve de la guerre des valeurs bien plus hautes que celles qu'incarnait alors une bourgeoisie réactionnaire qui n'avait su se hisser à la hauteur des sacrifices qu'elle avait exigés de son peuple. Aux capitulations d'une démocratie technocratique et gestionnaire, les fascistes opposèrent une politique de civilisation innervée d'une volonté de puissance prométhéenne, établissant la primauté de l'intérêt national sur les intérêts particuliers, et oeuvrant à l'édification de l'homme nouveau qui porterait un coup d'arrêt à l'avilissement et à la décadence matérialiste pour bâtir la nouvelle Rome impériale. C'est ainsi que s'opéra en un temps record le redressement économique et moral de l'Italie qui, grâce à des réformes d'ampleur frappées du sceau du pragmatisme et de l'efficacité, renoua avec la prospérité, dépassa les antagonismes de classes et modernisa ses infrastructures. Le fascisme vint en quelque sorte parachever le Risorgimento en consolidant un processus d'unification italienne longtemps miné par les disparités économiques, les rivalités régionales et l'instabilité institutionnelle chronique qui menaçaient de la faire imploser. Au fil des pages de cette Histoire du Mouvement Fasciste publiée initialement en 1940, Gioacchino Volpe retrace cette épopée avec le regard d'un contemporain enthousiaste et la démarche de l'historien soucieux des faits. Une étude qui offre au lecteur un témoignage remarquable, et qui tranche avec les biais idéologiques de l'historiographie actuelle qui se borne à ne voir dans le fascisme qu'un totalitarisme brutal et meurtrier. Et si depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le verdict délivré par le Tribunal de Nuremberg en 1946, affubler de l'épithète de « fasciste » le parti adverse est devenu le procédé rhétorique le plus en vogue pour frapper d'infamie les oppositions gênantes, si l'on ne compte plus les ouvrages, les revues, les films et les documentaires exclusivement à charge qui y sont consacrés, c'est précisément parce qu'il importe aux élites occidentales de dissimuler sous le voile de l'opprobre une expérience politique, économique et sociale des plus singulières, finalement fort éloignée de la caricature grossière qu'en firent les démocraties victorieuses de l'Axe. En somme, si le fascisme est aujourd'hui encore perçu comme une menace par les démocraties libérales, c'est d'abord parce qu'il les renvoie à la faillite de leurs utopies et au naufrage de leurs promesses, et que loin d'avoir sombré dans les abysses de l'Histoire, il a acquis pour nombre d'Européens le caractère d'un mythe à la puissance évocatrice inaltérable. (Vincent Vauclin, préface)