J'ai rassemblé ces poèmes pour les hommes de mon âge. Je ne parle pas des femmes, car, on le sait, les femmes n'ont pas d'âge. Mais si je leur en parle, aux hommes et aux femmes, ce n'est certes pas pour jouer, en quelque manière, le rôle du professeur. C'est simplement parce que, étant compagnons, il peut nous être doux, en rompant le pain de la halte et en fumant le tabac de la pause, de communier un instant dans l'éternel présent des filles de mémoire.
C'est la nostalgie, on le sait, qui donne son charme à ces instants. Mais la nostalgie, seule, risquerait de sombrer dans une certaine mélancolie. Ce ne serait pas sans danger ni affectation. Notre époque, qui pratique beaucoup trop le chiqué, ne manque pas de ce romantisme. Je dois l'avouer, rien ne m'est plus étranger. Que ce soit dans les dernières lueurs de l'été ou dans le jour pâle du plus froid hiver, j'ai toujours senti la germination du printemps. Dieu veuille que cet optimisme, qui est le petit nom de l'espérance, ne m'abandonne jamais.
Si les facultés vitales, en s'estompant, venaient à l'affaiblir, il me suffirait alors de contempler, avec une meilleure attention, les enfants. Mes enfants et ceux des autres. Tous les enfants. Comme ils sont les princes de notre âge mûr, ils sont aussi les princes de la poésie. Ils règnent sur elle - à dire la vérité, ils sont la vraie poésie de la vie. C'est à eux que ce livre est dédié. C'est pour eux, qu'à travers leurs parents ou leurs aînés, il est écrit.