L'avis de Michael O'Brien .
5/5 L'homme nouveau .
.----. J’ai lu, sans jamais les donner à mes enfants d’ailleurs, des livres de Philip Pullman et toute la série des Harry Potter. Ces derniers en particulier sont généralement bien accueillis par les parents. Pourtant, ces romans vont directement à l’encontre de ce que vous venez de dire : les pouvoirs surnaturels y sont mauvais et le mal est utilisé comme moyen au service d’une bonne fin. Mais il est devenu très difficile de le dire !
Oui… Et n’est-ce pas là une caractéristique très intéressante en ce qui les concerne ? Dans mon analyse critique de la série des Harry Potter – je leur ai consacré tout un livre – je remarque que j’ai moi-même, à l’instar de chaque critique intelligent de la série, fait l’expérience de ce même phénomène. Il suffit de soulever une question, ou une objection, pour que les gens se cabrent, se sentent personnellement offensés. Que cela nous dit-il ? Qu’il existe une sorte d’attachement viscéral à l’égard de Harry : comme une identification.
Mais je crois qu’il y a aussi une dimension spirituelle.
J’ai été stupéfait par les réactions à mes premiers articles de la part d’intellectuels catholiques. Je crois que c’est parce qu’il y a ici un problème plus profond. Je pense que nous avons créé un compartiment à part pour nos « consommations » culturelles. Nous croyons que la culture est sacro-sainte, sacrée, que nous ne pouvons pas y toucher : que l’art, la créativité, les phénomènes culturels ont en propre un droit absolu – ils ne seraient pas responsables. Ce n’est pas une attitude chrétienne. Les œuvres culturelles peuvent se pencher sur le mal mais elles ne doivent jamais « glamouriser » le mal. Faire cela, c’est raconter une histoire mensongère, et il est particulièrement mauvais de nourrir nos jeunes d’histoires mensongères, spécialement des histoires aussi puissantes que celles de J.K. Rowling. Pullman, c’est le mal bizarre… Ses romans sont plus ouvertement sombres. Mais je crois que les écrits de Rowling sont plus destructeurs sur le long terme. Elle mêle certains idéaux et idées du christianisme avec l’anti-idée, l’anti-idéal, et elle a tout brouillé. C’est très malin.
Et en particulier, l’esprit de sacrifice.
L’esprit de sacrifice… Nous voyons Harry faire montre de certains aspects du héros classique qui attirent les parents et aussi les jeunes. Mais il est également un anti-héros : il est un peu de tout. À la fin, on voit Harry capable d’un certain sacrifice mais au bout du compte, ce qui importe, c’est le pouvoir. L’identité, qui constitue l’un des thèmes subsidiaires de la série – ils sont nombreux – l’identité s’acquiert au moyen du pouvoir : le « pouvoir sur ». Il s’agit là en réalité de l’essence de la magie et de la sorcellerie – ces pouvoirs qui n’appartiennent pas à l’homme et qui ont toujours un effet corrupteur sur l’homme. Cette série des Harry Potter met en scène tout un monde où ce pouvoir n’a pas cet effet corrupteur : il a un effet libérateur. Elle parle d’identité, alors que les jeunes sont à la recherche d’identité, ils luttent pour la trouver, spécialement lorsqu’ils sont issus de familles brisées. C’est quelque chose de très fort… C’est une drogue. [ Michael O’Brien, Le Journal de la peste, Salvator, 288 p. ; extrait d'un entretien dans L'Homme Nouveau rédigé le 28 janvier 2019 par Jeanne Smits ]