Dire que la chute de l'Union soviétique a redistribué les cartes du jeu international est une banale évidence. Mais l'on ignore souvent jusqu'à quel point ce basculement de l'équilibre mondial a pu affecter des régions a priori éloignées des enjeux de la Guerre froide. Celle des Grands Lacs, en Afrique, est de ces régions-là.
À cheval sur le Rwanda, le Burundi, la République démocratique du Congo, l'Ouganda et la Tanzanie, ce territoire riche en mines d'or et de diamant possède également une immense réserve de minerais rares, essentiels aux nouvelles technologies : le coltan et la cassitérite. Les anciens alliés, autrefois unis contre l'influence soviétique, vont dès le début des années 1990 s'y livrer un combat sans merci.
Ainsi, la guerre au Rwanda fut aussi une guerre, par forces d'interventions humanitaires et ONG interposées, entre la France d'une part, les États-Unis et le Canada d'autre part. Sans oublier le rôle trouble de la Belgique. Une guerre de terrain d'abord, par le déploiement d'unités militaires et de renseignement, une guerre d'influence ensuite, au sein des instances internationales, mais aussi et surtout une guerre médiatique qui fut perdue par la France.
Cette guerre-là a perduré longtemps après la fin du conflit armé et a vu l'entrée en jeu d'Israël, maître incontesté de la mémoire des génocides. Car génocide il y a eu, même partiel, si la définition de ce mot implique la volonté de faire disparaître des personnes en raison de leur ethnie. Mais s'agit-il vraiment du "génocide des Tutsis" ? À cette question, Guerre secrète en Afrique centrale répond en renversant le mythe imposé par les vainqueurs, selon lequel "un génocide aurait été commis contre la minorité tutsie du Rwanda par les Hutus, avec l'assistance de la France".
Patrick Mbeko est un Canadien d'origine congolaise. Auteur de plusieurs ouvrages de géopolitique, il intervient régulièrement auprès de différents médias à propos des questions géostratégiques et économiques auxquelles le continent africain est confronté.
Anne Lucken