« En 1928, l'éditeur Horace de Carbuccia créa l'hebdomadaire Gringoire qui allait devenir rapidement, en quelques années, le plus fort tirage de la presse française. Dans un livre passionnant, Georges Dupont raconte l'histoire de ce qu'il faut bien appeler une aventure exceptionnelle. « Horace de Carbuccia est né à Paris en 1891, issu d'une ancienne et illustre famille corse. Après sa mobilisation pour la Grande Guerre (au cours de laquelle il fut blessé et décoré de la Médaille militaire et de la Légion d'honneur), il fonda, en 1921, La Revue de France (obtenant pour sa rédaction, la collaboration de 22 écrivains, membres de l'Académie française), puis, en 1924, il lança Les Éditions de France « qui feront paraître une douzaine de volumes chaque mois » obtenant de très forts tirages et, parfois, d'immenses succès avec des livres d'Henri Béraud, Somerset Maugham, Paul Chack ou Joseph Kessel (entre autres). C'est pour soutenir ces éditions qu'il prit la décision de créer un Journal hebdomadaire, social, politique et littéraire, aidé par J. Kessel et Georges Suarez, qui reçut le titre de Gringoire et connut une ascension fulgurante avec un tirage de plus de 200 000 exemplaires dès janvier 1929, pour atteindre le chiffre de 975 000 exemplaires en 1936 ! Un succès sans précédent dans l'histoire du journalisme français politique et littéraire, dû principalement à la personnalité, au talent et au sens commercial de l'exceptionnel patron de presse que fut Carbuccia, ce qui lui valut, évidemment, d'être critiqué par nombre d'adversaires, envieux et jaloux, puisqu'il était parvenu à obtenir « l' éblouissante collaboration des meilleurs romanciers de son temps » (P. Morand, P. Benoît, Colette, Carco, Bernanos, Maurois, Simenon...). « Pour le domaine politique, il s'attacha les talents des plumes d'une importante notoriété, tout en « dirigeant lui-même, avec fermeté la ligne éditoriale du journal, n'admettant pas de dérive par rapport à la ligne politique qu'il s'était fixée » (cette position intransigeante fut la raison du départ de quelques-uns de ses principaux rédacteurs, tels G. Suarez en 1930 et, plus tard, Henri Béraud en 1943). « Comme pour nombre de journaux de l'époque la période de la Deuxième Guerre lui fut fatale en raison des engagements qu'il était impossible de passer sous silence. Dans les premières années, il soutint le maréchal Pétain, puis, dans les dernières semaines de 1942, après l'occupation de la zone libre, il « a progressivement modifié la ligne du journal et bientôt cessé de soutenir le gouvernement de Vichy et développé la partie littéraire au détriment de la partie politique », ce qui entraîna le départ de forts caractères, tels Béraud ou Philippe Henriot. Au terme du conflit, il fut victime de l'épuration : le journal et les Éditions de France disparurent en 1944 et, lui-même, quelque temps inquiété, ne fut victime d'aucune condamnation. Lorsque son fils Jean-Luc a souhaité fonder à son tour une maison d'édition, il lui fut interdit de reprendre le nom de celle de son père (Éditions de France) et l'appela Éditions de Paris. « Horace de Carbuccia est mort en 1975 et a laissé pour la postérité un livre de souvenirs qui donne bien des précisions et anecdotes savoureuses sur son époque et son incomparable aventure : Le Massacre de la victoire (Éd. de Paris, 2015). « Quelques mots encore sur le contenu du livre de Georges Dupont. C'est une mine d'informations, exposant le tableau général des divers aspects de la palette du journal, avec des précisions, des noms des chiffres qui apportent la preuve que cet hebdomadaire était réellement très anticonformiste et totalement indépendant. Les différents chapitres abordent les diverses formes du contenu de la rédaction (éditoriaux, chroniques, romans, récits et nouvelles, reportages, dessins, etc.) avec, en annexes, la mention des noms de tous les collaborateurs répertoriés et dessinateurs sélectionnés et les listes des textes publiés, par genres avec pour chacun les noms des auteurs ! Nous donnons une mention spéciale au chapitre « La littérature maritime », dont la rédaction a été confiée à notre ami de longue date, l'écrivain de la mer, René Moniot-Beaumont (fidèlement présent aux Journées Chouannes de Chiré depuis pratiquement les origines, dans les années 70 !). « L'ouvrage a été publié par Jean-Luc de Carbuccia, pour rendre ainsi hommage à son père, aux Éditions de Paris. » Jérôme Seguin, dans Lectures Françaises n° 743 (mars 2019)