Les croisades et la repentance ?
5/5 https://www.medias-presse.info/
.----. Alphonse Vétault (1843-1898), historien, fut aussi archiviste départemental de la Marne et de la ville de Rennes. L’Académie française lui décerna le grand prix Gobert en 1879 pour son ouvrage sur Charlemagne.
Les éditions Saint-Rémi viennent de rééditer sa biographie de Godefroi de Bouillon. Il s’agit d’une étude complète. Les détails qui y sont réunis et coordonnés, dégagés dans leur ensemble des grands tableaux de l’histoire générale, ont été tous recueillis aux sources les plus accréditées de cette histoire. Fils de sainte Ide de Boulogne et d’Eustache II, Godefroi de Bouillon nous est présenté ici dès sa naissance dans le Boulonnais. Nous suivons son enfance, l’éducation qu’il reçut de sa mère, la façon dont il fut adopté pour héritier par son oncle Godefroi le Bossu, duc bénéficiaire de Lorraine. Mais après l’assassinat de Godefroi le Bossu, le roi de Germanie refuse d’appliquer le testament du défunt et accorde le duché de Lorraine à son propre fils, Conrad, réduisant Godefroi de Bouillon au titre de margrave d’Anvers. Les autres fiefs patrimoniaux de Godefroi lui sont également contestés et vont faire l’enjeu d’un âpre combat judiciaire qu’il finit par emporter.
C’est dans ce contexte tourmenté que Godefroi s’enrôle dans la maison militaire du roi de Germanie, Henri IV, qui se révèle débauché, despote et ennemi du pape Grégoire VII. Henri IV va jusqu’à assiéger et prendre Rome avec l’aide de Godefroi. Mais Godefroi tombe malade en Italie et fait vœu d’aller en pèlerinage à Jérusalem. Il guérit, retourne dans ses domaines de Bouillon et de Stenai, est rétabli comte de Verdun et obtient l’investiture du duché de Basse-Lorraine. Tandis que l’anarchie féodale de la fin du XIe siècle entraine de multiples guerres privées, Godefroi de Bouillon établit la trêve de Dieu dans ses domaines.
Faisant preuve d’une piété grandissante, Godefroi rêve d’une expédition militaire en Terre Sainte. L’auteur, Alphonse Vétault, nous décrit tous les préparatifs de la Croisade, à mesure que la Chrétienté apprend les persécutions des chrétiens en Palestine sous la domination des Alides, la Fondation de la sultanie de Roum, la menace que font peser les mahométans sur Constantinople, les appels par les empereurs d’Orient au Saint-Siège et aux guerriers des royaumes latins, puis les efforts des papes Grégoire VII et Victor III pour organiser la guerre contre les Turcs, la lettre de l’empereur Alexis Comnène aux chevaliers d’Occident, le pèlerinage de Pierre l’Ermite au saint sépulcre, la mission dont il se charge pour le pape Urbain II et pour les princes chrétiens. Enfin, le premier enrôlement des soldats de la Croix, la prédication de la croisade et l’enthousiasme populaire, l’échec de la croisade populaire.
A partir de l’an 1096, c’est la croisade féodale qui se met en marche à travers l’Europe. Godefroi de Bouillon commande l’armée du Nord, l’une des trois armées fournies par la France. Le livre nous décrit ce périple et les déceptions qui l’accompagnent. Déceptions et amertumes qui vont croître à mesure que la politique byzantine se dévoile. L’empereur Alexis multiplie les perfidies. Au-delà du golfe de Chéras, il fait même attaquer le camp des chrétiens par ses Turcopoles. Après la narration des conflits entre Grecs et Francs suit celle de la croisade en Asie mineure puis de la marche sur Antioche, du siège d’Antioche puis de la prise d’Antioche. Ensuite, c’est la marche sur Jérusalem, son siège et sa prise. Les exploits de Godefroi de Bouillon sont tels que tout le désigne pour être roi de Jérusalem. Mais il en refuse la couronne et n’accepte que le titre de baron du Saint-Sépulcre.
Alphonse Vétault a le rare mérite de détailler les Assises de Jérusalem, projet de code féodal de Terre Sainte avec double juridiction (haute cour et plaid roturier) et principe du jugement par les pairs dont la charte ne fut pas promulguée mais qui eut une réelle influence dans l’Orient chrétien.
Cet ouvrage passionnant s’achève avec la mort de Godefroi de Bouillon en l’an 1100. Voilà une agréable lecture qui tranche avec la réécriture contemporaine de l’Histoire des Croisades destinée à satisfaire les impératifs du multiculturalisme en nous contraignant à la repentance. [ Ex Libris — 16 février 2020 sur le blog MEDIAS-PRESSE.INFO ]