C'est dans les Amériques que sont nées et se sont épanouies les deux grandes inventions musicales du XXe siècle : le jazz et la "musique latine". Celle-ci est l'objet de ce livre qui retrace sa genèse depuis la fin du Moyen Age jusqu'au début des enregistrements sonores. L'ouvrage débute par la confrontation de trois traditions musicales à la fin du XVe siècle : l'ibérique, dans laquelle le "populaire" est intimement lié à ce que nous appelons aujourd'hui la "grande musique" ; l'amérindienne, fortement ritualisée ; et l'africaine, qui accorde une importance majeure au rythme et aux percussions.
Dans le mélange instrumental, mélodique et textuel qui s'opère au fil des siècles dans le cadre des grandes festivités religieuses baroques, les esclaves et affranchis d'origine africaine jouent un rôle de premier plan donnant à la musique (sons, chansons, gestes) une sensualité et une liberté de mouvements toutes nouvelles. Créativité permanente, la musique des Amériques - espagnole et portugaise - se décline sur une longue durée où la samba, le tango, les congadas, la rumba et les corridos, parmi nombre d'autres genres, deviennent des marques identitaires des peuples latino-américains.
Dans cette gestation, des ponts unissent ces musiques à l'opéra, aux danses européennes (polka, contredanse), au jazz, ainsi qu'à la musique flamenco des Gitans andalous.
Carmen Bernand est anthropologue et historienne. Née en France en 1939 de parents espagnols réfugiés, elle a vécu vingt-cinq ans en Argentine où elle a fait des études d'ethnologie à l'Université de Buenos Aires. A la fin de 1964, elle s'est installée à Paris et a préparé une thèse de troisième cycle sous la direction de M. Claude Lévi-Strauss, suivie quelques années plus tard par un doctorat d'Etat sur les paysanneries andines, sous la direction de M. Olivier Dollfuss. Nommée en 1967 à l'université de Paris X, elle y a enseigné à tous les échelons ; en 1994, elle a été élue à l'Institut universitaire de France. Carmen Bernand a effectué des enquêtes de terrain auprès des populations andines de l'Argentine, du Pérou et de l'Equateur, mais aussi en France (Nanterre, Creil) et aux Etats-Unis (sud du Texas). Au centre de ses observations figurent les représentations du malheur et du corps, ainsi que les métissages culturels.
Depuis la fin des années 1980, elle se consacre à l'anthropologie historique de l'Amérique latine. Avec Serge Gruzinski, Carmen Bernand a publié De l'idolâtrie (Seuil, 1988), et deux tomes d'Histoire du Nouveau Monde (Fayard, 1991 et 1993). Elle est par ailleurs l'auteur d'une Histoire de Buenos Aires (Fayard, 1997), sans oublier, en 2002, son étude en langue espagnole sur l'esclavage urbain en Amérique coloniale pour la Fundación Tavera de Madrid : Negros, esclavos y libres en las ciudades hispanoamericanas.
Plus récemment, on lui doit Un Inca platonicien : Garcilaso de la Vega (Fayard, 2006). Carmen Bernand prépare actuellement un livre sur l'origine des musiques populaires en Amérique latine. Intéressée par la fiction, elle a également écrit, en espagnol, un roman policier dont l'action se situe à l'époque des Incas.