Un gouffre vertigineux
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.----. Il était une fois un major de promotion de Saint-Cyr, jugé parfait sous tous les rapports qui, devenu en février 1931 chef de l’état-major de l’armée (de terre) et membre du Conseil supérieur de la guerre, fut investi en janvier 1935, après Weygand atteint par la limite d’âge, du commandement suprême avec beaucoup plus de pouvoirs que son prédécesseur. Or, le 7 mars 1936, allait avoir lieu, grave menace à notre sécurité, la facile réoccupation de la Rhénanie. Un succès pour Hitler. Un camouflet pour la France. Cette dernière, frappée d’impuissance stratégique, aussi de carence gouvernementale, se montrant incapable de mener une action militaire en bordure de son territoire et de défendre ses intérêts vitaux. Alors qu’une vigoureuse riposte à ce moment-là aurait pu encore tout sauver… et changer l’histoire.
Puis en 1938 on traversa la crise des Sudètes, marquée chez nos unités mobilisées d’insuffisances criantes dans tous les domaines ; chez Gamelin d’une attitude incertaine, en même temps velléitaire et expectante – crise suivie de l’aplatissement du 30 septembre à Munich. Oui, mais l’Allemagne déjà, au peuple bien plus nombreux, au potentiel industriel très supérieur, à l’arsenal hors de pair, permettait-elle à présent d’engager un conflit dans des conditions favorables ? Cependant le dépeçage final en mars 1939 de la Tchécoslovaquie ayant été suivi en août du pacte germano-soviétique, préambule à l’attaque de la Pologne, celle-ci entraîna le 3 septembre l’entrée en guerre de la France.
Difficile de rien dire de son déroulement qui ne soit accablant pour l’homme maintenant décoré du titre de chef d’état-major général de la Défense nationale, commandant en chef des forces terrestres, commandant en chef des armées alliées en France, vain cumul, on le vit, de responsabilités non exercées ; pour l’homme dont l’incompétence, le manque d’énergie, de volonté, d’imagination (palpables bien avant la foudroyante offensive allemande du 10 mai 1940) précipiteront la catastrophe… aussi rapide que complète ; pour l’homme et le généralissime, soutenu mordicus par Daladier, insane politicard n’ayant cessé de se comporter comme si son seul devoir envers le pays (président du Conseil et ministre prépondérant entre 1938 et 1940) était de s’accrocher au pouvoir. Et destitué trop tard ce Gamelin, le 20 mai, quand tout croulait.
Si l’on désire connaître le sujet à fond, il faut lire Max Schiavon. On en ressort ahuri, abasourdi. Le personnage ? Un gouffre vertigineux entre ce qu’il aurait dû être et ce qu’il a été. La France ? Lancée à l’aveuglette contre un ennemi implacable et colossal.
[ Signé : Michel Toda dans La Nef - Mai 2022 ]
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