Réchauffement des relations ?
5/5 Présent .
.----. Si les Croates connaissent bien la France – et l’aiment –, il n’est pas sûr que pour les
Français, notamment enfumés par le « yougoslavisme », la réciproque soit vraie. Grâce
au livre de Christophe Dolbeau, France-Croatie : une belle amitié, on (re)découvrira que les
liens entre la France et la Croatie remontent à des temps très anciens. Et il appartient à
Christophe Dolbeau, spécialiste du sujet (on lui doit Les Sacrifiés de Yalta, Panserbisme,
cancer yougoslave, Les Forces armées croates, Croatie, sentinelle de l’Occident, etc.) de nous éclairer.
La première apparition importante de « Français » en Croatie remonte au IXe siècle avec
le passage en Dalmatie (1081-1085) des armées normandes de Robert Guiscard. En
1096-1097, la Première Croisade ramène des Français – et, pour le coup, pas des
Normands – sur les côtes dalmates.
Il faudra ensuite attendre un peu plus d’un siècle pour une nouvelle « visite » : celle des
hommes de la IVe Croisade (qui n’a pas laissé de bons souvenirs à Zadar…). Mais,
encore un siècle plus tard, les Croates acceptent comme suzerain Charles-Robert
d’Anjou (1288-1342), arrière-petit-neveu de saint Louis puis, à sa mort, son fils Louis Ier
le Grand (1326-1382).
Sautons les siècles et arrivons à l’époque où une partie de la Croatie fut française (sans
oublier que l’on doit aux Croates du Royal Cravate (1) de Louis XIV le mot cravate,
déformation du mot harvat, à savoir « croate »). Napoléon va créer les Provinces
illyriennes (1809-1813). Une période qui aura contribué à la modernisation de la Croatie
et à l’institutionnalisation de la langue croate. Et l’on sait que de nombreux Croates
(« Ah, si j’avais eu mes braves Croates », dira Napoléon au soir de Waterloo) tomberont
dans nos rangs pendant la campagne de Russie. Les hommes du 1er régiment provisoire
croate, du régiment de hussards croates, de bataillon royal d’Istrie, du régiment royale
dalmate.
Après sa défaite à Wagram et le traité de Schöbrunn (1809), l’Autriche céda à la France
la Haute-Carinthie, la Carniole, Gorizia, Trieste et une partie de la Croatie au sud-est de
la Save. Ces territoires constituèrent les Provences illyriennes, incluant aussi l’Istrie, la
Dalmatie, les bouches du Kotor et la République de Raguze (l’actuelle Dubrovnik). Le
général Marmont en fut nommé gouverneur civil et militaire. Qui agira en conséquence :
introduction du Code civil, construction d’un réseau terrestre et côtier, service postal,
publication d’une grammaire croate, création du premier journal en croate, Kralski
Dalmatin.
Officer issu des Provinces illyriennes, Marc Slivarich de Heldenberg sera promu général
de brigade en 1813. On le retrouvera à la tête du 1er régiment croate lors de la bataille
d’Ostrowno. Officier de la Légion d’honneur (1810), naturalisé français (1817), il est
mort à Gignac (Hérault) où il y a un monument à sa mémoire en 1833.
Avec la dissolution de la « Yougoslavie » et la Croatie libre, le réchauffement des
relations entre la Croatie et la France est patent. Christophe Dolbeau est là pour en
témoigner. [ Signé : Alain Sanders dans " Présent ", n° 7584 du 18 avril 2012 ]
(1) Créé en 1643, il deviendra au XIXe siècle le 10e régiment des cuirassiers.
Présence et influence ?
5/5 L'Homme Nouveau .
.----. La France, depuis le début du siècle, et jusqu’aux récentes décennies, a privilégié l’amitié
avec la Serbie, tandis que la Croatie était plutôt oubliée. Pourtant les relations avec la
Croatie sont anciennes. Elles remontent au moins aux opérations militaires pour libérer
la Terre sainte à la fin du XIe
siècle : d’abord l’expédition du Normand Robert Guiscard
(qui reçoit le renfort d’archers dalmates), puis la première croisade.
Christophe Dolbeau, qui a beaucoup écrit sur la Croatie (et qui lit le croate), consacre
aux relations entre les deux pays un livre très riche. Une première partie évoque les
relations diplomatiques, militaires et politiques, du Moyen Âge à nos jours ; une deuxième
partie évoque les relations culturelles, littéraires et intellectuelles. Dolbeau n’a pas oublié
– même s’il ne lui consacre que quatre lignes – le théologien Jean de Raguse qui a joué
un rôle très important au concile de Bâle et qui, en 1439, sera un de ceux qui feront du
duc Amédée de Savoie le pape Félix V (qui restera un antipape jusqu’en 1449).
Le livre évoque bien d’autres faits et d’autres personnages, dans les deux sens si l’on
peut dire : présence et influence croates en France et présence et influence françaises en
Croatie. Un index des noms aurait été très utile. [ Signé : Yves Chiron dans " L’Homme Nouveau ", n° 1527 du 13 octobre 2012 ]