Avant 1830, la régence d'Alger était pressurée par les Turcs, en proie aux luttes tribales, abandonnée de l'histoire et du progrès, végétant dans une misère indicible. La colonisation, en particulier sous la troisième République, se proposait de libérer des populations lointaines de la peur, de la tyrannie, de la misère, de la faim, de l'esclavage. Les Français - nous disions les Européens - ont travaillé dur et sans relâche, connaissant le plus souvent les maladies, l'épuisement et l'échec que quelques tardives réussites. S'ils avaient été haïs par les indigènes, comment auraient-ils pu se maintenir sur cette terre où quelques centaines de milliers d'Européens étaient dispersés sur un territoire cinq fois grand que la France au milieu de neuf millions d'arabes. Est-ce notre faute si à la fin des années 50, une certaine intelligentsia a convaincu la France que cette oeuvre magnifique n'était que noirceur et abomination, qu 'il fallait désormais brûler ce qu'on avait adoré. Tant pis pour ceux qui étaient partis là-bas à l'époque où la mission était noble et respectable. Tant pis pour les indigènes - fidèles au statut français dans leur immense majorité - qu'on allait ainsi "laisser au milieu du gué" et abandonner aux massacres perpétrés par les révolutionnaires.
Une meilleure connaissance de cette expérience d'Outre-mer pourrait être précieuse dans les difficultés où se débat actuellement la France. Les Européens, unis dans le même patriotisme, rassemblaient des hommes venus de la métropole et d'autres de l'ensemble de l'Europe du sud. Plutôt que de continuer à en faire les boucs émissaires de la guerre d'Algérie, jeune Français, cherche à savoir ce qui a été le creuset de cette fusion réussie, à une époque où l'Europe qu'on te propose et qu'on t'impose n'est que celle des marchands, du fric et de la débrouillardise individuelle. Jeune Français, quand tu sauras qu'un million d'Européens et neuf millions d'Arabes ont traversé 125 ans sans qu'il y ait eu de"zones de non droit", sans qu'il y ait eu de bandes, de rackets, de voitures et de bâtiments incendiés, de gamines violées, de populations terrorisées, et que les communautés vivaient en bonne intelligence et le plus souvent s'estimaient mutuellement, alors en vérité tu comprendras que la situation actuelle de la France n'est pas une fatalité.
L'Algérie française est morte parce que la France, désacralisée, ne croyait plus à la légitimité de sa mission dans ce pays. Un demi-siècle plus tard, la France elle-même se meurt ; car, faute de sacré, les Français ont substitué au Bien commun le culte de l'individu. La situation actuelle de la France n'est pas une fatalité. Elle a été causée par de mauvais bergers et par une idéologie foncièrement perverse. Ton devoir est de châtier les premiers et de combattre la seconde. Ta survie en tant que Français est à ce prix.