Les journaux des tranchées. 1914-1918 La grande Guerre écrite par les Poilus.
Rédigés au front par les Poilus eux-mêmes, entre une attaque, un bombardement et une alerte aux gaz, ou écrits au repos entre deux montées en lignes, calligraphiés avec amour ou laborieusement dactylographiés, illustrés avec soin malgré la fatigue qui brouille la vue et engourdit les doigts, puis dupliqués avec des moyens de fortune, les "journaux du front" apparaissent fin 1914 en même temps que les premières tranchées.
Publier un journal c'est, pour ces soldats qui "tuent le temps en attendant d'être tués", s'évader, oublier un instant la guerre, les poux, les rats et la boue du gourbi ; c'est évoquer la "vie d'avant" (celle de l'arrière, justement !), renouer par l'esprit avec les êtres chers.
C'est témoigner aussi, lutter contre l'oubli, défier la mort qui rôde, hurler que l'on est vivant envers et contre tout.
Rigolboche, L'Écho des tranchées, La Roulante, Le Poilu déchaîné, le Canard du boyau, L'Écho des gourbis, Marmita, Le Petit Écho du 18e... des centaines de titres paraissent bientôt, rivalisant d'invention, de créativité, de dérision, d'humour noir - cet humour qui, on le sait et ils le prouvent, est "la politesse du désespoir".
Certaines de ces "feuilles bleu horizon" ne vivront qu'un numéro. D'autres compteront des milliers de lecteurs et perpétueront jusqu'à l'armistice et même au-delà "l'esprit poilu", ce mélange de cynisme rigolard, de fraternité pudique, de verve gouailleuse qui, dans l'enfer de Verdun, de l'Argonne ou des Vosges, aidait les combattants à supporter l'insupportable.
Éphémères ou pérennes, inconnus ou célèbres, grinçants ou poétiques, artistiques ou naïfs, les journaux de tranchées nous aident à porter un autre regard sur la Grande Guerre. Ils nous rapprochent aussi des Poilus, ces soldats que l'on voit aujourd'hui sous les traits ridés des "anciens combattants" mais qui, souvent, eurent vingt ans aux Éparges, au Linge, à Douaumont ou au Chemin des Dames.
Depuis 1935 et le Livre d'Or publié par un ancien journaliste de tranchées, aucun album illustré destiné au grand public n'avait été consacré aux Journaux de Tranchées. C'est ce vide criant que vient combler cet ouvrage très illustré et solidement documenté.
Feuilles Bleu Horizon - Le livre d'or des journaux du Front.
La guerre de 1914-1918 fur sans doute la première qui vit l'éclosion de gazettes de combattants, ces petits journaux écrits, illustrés et publiés par les soldats eux-mêmes entre deux bombardements ou deux montées en ligne. Jamais, en effet, aucun conflit jusque-là n'avait réuni les conditions qui donnèrent naissance à ces "canards de boyaux" et autres "feuilles bleu horizon" : des armées enfouies pendant près de quatre années dans des retranchements souterrains, en proie au doute et à l'isolement; des hommes condamnés à de longues périodes d'inaction pendant lesquelles il faut bien "tuer le temps en attendant d'être tué"; des crises du moral qui poussent le commandement à tolérer, voire encourager tout ce qui aide le soldat à "rire pour tenir". Et ils en eurent, du cran et de la bonne humeur aux heures les plus terribles, ces petits journaux du front dont le titre est tout un programme: L'Écho des Tranchées, de la Mitraille, des Marmites ou du Plateau de Craonne, L'Amuse-Poilus, Gardons le Sourire, La Woëwre joyeuse, L'Anti-Cafard, L'Artilleur déchaîné et autres Rigolboche.
Épisodes glorieux ou cocasses, moments tragiques ou drolatiques, anecdotes savoureuses ou émouvantes,
poèmes lyriques ou satiriques, pastiches et caricatures, pensées profondes ou "brèves de popote" à l'humour dévastateur... les "feuilles bleu horizon", c'est, au jour le jour, par la plume et par le crayon, la Grande Guerre brossée par ses acteurs eux-mêmes - un témoignage unique et bouleversant qui nous rapproche du Poilu tel qu'il fut réellement: pas un vieillard chenu ployant sous les décorations devant un monument aux morts, mais un homme jeune et souvent même très jeune qui, de son
adolescence encore proche, a gardé l'irrévérence, le goût de la provocation et la crânerie d'un gamin prêt à mourir dans la tranchée la gouaille aux lèvres, comme son aîné Gavroche, tombé en chantant sur les barricades.
Le monumental Livre d'Or des Journaux du Front d'André Charpentier méritait donc de retrouver sa place dans la vitrine des libraires, d'autant qu'avec ce drôle et émouvant recueil de souvenirs, récits et documents commentés", le fameux (et trop souvent fumeux) "devoir de mémoire" devient un vrai plaisir.
Publié en 1935 grâce à une souscription lancée par son auteur, lui-même ancien rédacteur en chef d'un canard de tranchées, et jamais réimprimé depuis, Feuilles Bleu Horizon s'arrachait hier encore à prix d'or chez les bouquinistes. Publiée avec le soutien de l'association Trésors de Mémoire, la présente édition entièrement restaurée met à nouveau ce "classique" à la portée de tous les passionnés Grande Guerre.