Enfin, après de très longues années de silence, un important quotidien français, Le Figaro, et un éditeur ayant pignon sur rue, à Paris, Buchet-Chastel, acceptent de porter à la connaissance du grand public un livre qui ne cache rien de « la face cachée de la guerre d'Espagne ». En effet, Stéphane Courtois a salué, dans l'édition des samedi 8 et dimanche 9 août du Figaro, la sortie de l'ouvrage Espagne rouge. Scènes de la guerre civile, 1936-1937, qui avait été écrit par un journaliste polonais, Ksawery Pruszynski, en 1937, et vient seulement d'être traduit en français (par Brigitte Gautier) et publié par les Éditions Buchet-Chastel. « Dès septembre 1936, dit Stéphane Courtois, le grand journaliste polonais débarque à Madrid et parcourt le camp "républicain" jusqu'en mars 1937 (...) Dès son arrivée, Pruszynski écrit, "Cette fin septembre sent son printemps russe" de 1917. Il est frappé par la violence omniprésente, le sadisme, la cruauté gratuite, la jouissance morbide à tuer qu'il résume d'un mot : "ensauvagement". Une violence encore intensifiée par les vendettas personnelles, l'avidité au pillage et le caractère impitoyable de la "doctrine" de la guerre de classe entre les "prolétaires" (travailleurs manuels et activistes d'extrême gauche) et les "bourgeois" (...) Le socialiste Caballero - qui se prend pour Lénine - et l'anarchiste Durruti, sont eux-mêmes écrasés par le rouleau compresseur du parti communiste dirigé depuis Moscou par les agents du Komintern et du NKVD, et les conseillers militaires soviétiques provoquant dans le camp "républicain" une guerre civile au sein même de la guerre civile. Jusqu'à la chute finale en mars 1939. « Pruszynski souligne que la tragédie espagnole accélère la guerre civile européenne entre démocraties parlementaires et régimes totalitaires, inauguré par les bolcheviks en 1917-1918. Très vite, communistes staliniens, fascistes italiens et militaires allemands nazis transforment l'Espagne en champ clos de leur lutte à mort, posant les premières banderilles de la Deuxième Guerre mondiale. Une guerre dont Franco aura toutefois l'habileté de tenir son pays à l'écart ». Cette guerre fratricide fut une tragédie, dans laquelle on ne faisait pas de prisonniers; « une tragédie, conclut Courtois, rappelée par le film d'Alejandro Amenabar, Lettre à Franco, sorti sur les écrans juste avant le confinement, qui montre combien les cicatrices de cette guerre civile sont encore mal refermées ». Jérôme Seguin, Lectures Françaises n° 761 (septembre 2020)