Au cours des siècles, les sociétés occidentales sont passées du clan à la familia à l'intérieur du clan, puis à la conception individualiste moderne. Le patrimoine n'est donc plus celui d'un clan ou d'une famille, qui se survivent et se régénèrent, mais du seul individu mortel. La doctrine actuelle de la théorie des deux personnes, personne physique et personne morale, voit également disparaître l'entité familiale incarnée par ses membres, au profit, d'un côté, d'une personne physique identifiée à l'être humain, et d'où toute idée de continuité a disparu, et, de l'autre, une personne morale censée perpétuelle mais parfaitement désincarnée.
Pourtant, "les outils les plus importants du système capitaliste ont été forgés au sein de l'institution de la famille", et l'auteur montre ici, dans le prolongement des Leçons n °2, La Réification de la parole et autres fictions, que l'origine commune des différents mécanismes permettant la création d'un patrimoine d'affectation remonte, dans le droit romain, au pécule. Séparation des biens de l'entreprise de ceux de la famille, des biens propres de ceux issus d'un héritage, communauté conjugale, commandite, dot, tutelle et même faillite, "le pécule contient en quelque sorte en puissance tout le système de la société de capitaux".
Damien Viguier, docteur en droit privé et sciences criminelles, est chargé d'enseignement et avocat à la Cour. Il publie régulièrement dans des revues spécialisées.