PréfaceC’est la fin. Voilà près de quarante ans que Thomas voyage. Il a déjà parcouru quelques onze mille cinq cents kilomètres à travers la France, l’Italie et l’Allemagne et il se rend cette fois au concile de Lyon. Parti de Naples, il est fatigué, il s’arrête à Maënza, chez la fille de sa sœur après avoir encore fait cent vingt-cinq kilomètres. Et là, tout d’un coup, il tombe en grand dégoût de nourriture. Sa nièce veut le réconforter et lui demande son souhait. Jamais il ne s’était vraiment soucié de ce qu’on lui servait, même pas à la Cour de saint Louis. Et pourtant, là, il a sans doute comme un souvenir : il souhaite manger des harengs « à la parisienne » ! Cependant, Thomas souhaite mourir dans une maison religieuse et demande à partir au proche couvent cistercien de Fossa Nova. Douze kilomètres à faire encore à cheval. Il y arrive, épuisé. Il se confesse une dernière fois ; son secrétaire le Père Renaud a déclaré : « Je l’ai trouvé toujours aussi pur qu’un enfant de cinq ans. Jamais il n’a ressenti l’humiliant aiguillon de la chair ni consenti à quelque pensée mauvaise ». Il ne put en dire plus, les sanglots étranglaient sa voix et son émotion gagna toute l’assistance. Le 7 mars 1274 au matin, Thomas a remis son âme au Bon Dieu qu’il a servi avec un acharnement inconditionnel. Saint Thomas meurt à quarante-neuf ans sans rien dire d’autre que : « je vous adore, ô mon Dieu et mon Sauveur, vous pour l’amour duquel j’ai étudié, travaillé, prêché, enseigné ». Mais il révèle là tout le secret de sa vie. Il a été passionné de Dieu, passionné de Jésus. Il s’est livré complètement à lui, sans aucune réticence et ne s’est jamais repris. Jamais dans son chef d’œuvre, la somme théologique, il ne parle à la première personne du singulier. Mais il a pourtant dit, lui-même, ce qu’il fut : « La pureté est nécessaire pour que s’applique à Dieu l’âme spirituelle. Voilà pourquoi : l’âme se souille du fait de sa liaison aux choses d’en bas, comme ce qui avilit un alliage impur, ainsi l’argent mêlé de plomb. Or il faut que l’âme spirituelle s’arrache à ces choses inférieures pour pouvoir s’unir à la réalité suprême. C’est pourquoi, un esprit sans pureté ne peut avoir application à Dieu. La fermeté stable est tout également requise à l’application de l’âme à Dieu. Elle s’attache à lui en effet comme à la fin dernière et au premier principe : ce qui nécessairement est immuable au plus haut point. "Je suis certain, disait saint Paul aux Romains, que ni la mort, ni la vie ne me sépareront de la charité du Christ ". Ainsi donc on appellera sainteté cette application que l’homme fait de son âme spirituelle et de ses actes à Dieu ».Thomas fut donc saint toute sa vie. Non seulement il met tout son cœur à célébrer la Sainte Messe chaque jour et à en servir une deuxième, mais il est toujours déférent et obéissant. Cependant le secret de saint Thomas n’est pas là. Il l’a dit, c’est la pureté de l’esprit donné sans retour à Dieu. C’est mieux encore : la pureté du corps. Le docteur angélique est particulièrement sensible à l’exercice de la vertu de chasteté. Et comme tout un chacun, il en connaît la difficulté. Alors il a choisi une aide surnaturelle puissante pour ce faire. Toute sa vie, il a porté une relique de la tendre et sainte Agnès sur lui.Nous allons faire moins de kilomètres que saint Thomas. Mais nous avons à nous pénétrer de son ardeur à aimer Jésus sans retour sur soi. Nous lui demanderons de nous communiquer l’ardeur de sa foi combattante. Nous le supplierons de nous entraîner à la conquête de la sainteté et de saisir que le grand moyen, surtout aujourd’hui au milieu de ce monde si corrompu, c’est de vouloir, à tout prix, garder la pureté du cœur, de l’esprit et du corps.Abbé Benoît de JornaSupérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie XSuresnes, le 14 septembre 2023