C’est dans un style très particulier, celui du théâtre , que M. Guillaume Bernard décide d’aborder ce sujet si délicat de l’avortement. Cette pièce fait intervenir deux acteurs principaux : une femme enceinte et son enfant à naître. L’ensemble de cette œuvre, décomposée en un prologue, quatre actes et un épilogue, n’est qu’une conversation entre ces deux êtres que tout lie et que finalement tout oppose : la mère souhaite avorter, l’enfant à naître veut s’accrocher à la vie et espère que sa mère ne le tuera pas.Toute la pièce n’est qu’une confrontation entre ces deux univers, ces deux manières de penser et de concevoir la vie. L’ensemble des seize scènes qui constituent la pièce ne sont finalement que la découverte mutuelle de ces deux univers. Au commencement les deux colères sont dans l’ignorance l’une de l’autre mais le déroulement de la pièce les amène à une connaissance réciproque. Si les arguments philosophiques du débat sur l’avortement sont passés quasiment intégralement au crible par l’auteur, les psychologies de la future mère et de son enfant à naître ne sont pas négligées pour autant. Là réside, à notre avis, l’un des plus grands intérêts de cette œuvre : l’alliance subtile et bien mesurée du débat philosophico-psychologique que représente l’avortement. Tout moralisme est banni de la conversation entre les deux acteurs de ce drame. Une approche humaine, tolérante mais où la Vérité n’est pour autant jamais négligée. Elle s’impose avec douceur et permet au lecteur, qui est finalement le destinataire de cette pièce, une compréhension fine du drame qui se joue dans l’avortement.En peu de pages M. Bernard a réussi à montrer que la question de l’avortement n’est pas isolée et qu’elle fait partie d’un tout et qu’ainsi lorsque l’on parle de ce sujet, les questions de contraception, homosexualité, GPA, limbes, péché originel, eugénisme, euthanasie, chimères etc…sont liées. L’avortement ne peut être enfermé dans une petite case bien hermétique, il n’est que la partie d’un tout dont M. Bernard a tracé les contours avec succès.Une œuvre originale à lire mais surtout à faire jouer ! C’est le souhait que nous adressons à M. Guillaume Bernard que de voir sa pièce mise en scène le plus tôt possible.Joseph Rabany, dans Lectures Françaises n° 805 (mai 2024)
