Les harkis et leurs familles occupent une place singulière dans l'histoire et la mémoire. Les enfants de ces supplétifs de l'armée française ont fait preuve d'une très grande capacité à se construire ou à se reconstruire. Vingt-six femmes et trente-six hommes d'horizons et de professions variés en témoignent ici. Soixante-deux personnes, en rappel à l'année 1962, fin de la guerre d'Algérie, pour beaucoup année Zéro de leur itinéraire.
Leurs récits et leurs photographies sont les traces vivantes d'une résistance à l'indicible douleur de l'histoire. Certains sont nés en Algérie, d'autres en France, dans les camps de Rivesaltes, Bourg-Lastic ou Saint-Maurice-l'Ardoise. A leurs parents, souvent restés dans le silence, ils disent leur amour et leur respect. Rejoignant l'expérience de ceux qui ont été confrontés à l'exil et à la guerre, leurs mots incarnent une espérance et répondent à la question de Boris Cyrulnik, préfacier de cet ouvrage :
"Qu'allez-vous faire de cette souffrance ? Allez-vous vous soumettre ? Allez-vous pleurer ? Allez-vous faire une carrière de victime, comme on vous y encourage ? On vous donnera une petite pension, mais taisez-vous. Et encore, si on vous donne une pension, c'est bien, parce que la France est généreuse. Alors, en échange, taisez-vous. A ce moment-là, la réaction, c'est de se demander quel est votre espace de liberté. Quand je dis "votre", je parle aussi de moi.
Qu'est-ce que vous avez fait de ce qu'on a fait de vous ?"
Fatima Besnaci-Lancou est présidente de l'association Harkis et droits de l'Homme. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages dont Fille de harki (Editions de l'Atelier, 2003), qui a reçu le Prix Séligmann 2005 contre le racisme et Les harkis dans la décolonisation et ses suites (en collaboration avec Gilles Manceron, Editions de l'Atelier, 2008).