Une France dépossédée du christianisme, est-elle encore la France ?
5/5 Le Salon Beige
.----. Dépossession d'Edouard de Praron est un roman autour de l'impression de plus en plus de Français d'être dépossédés d'une partie de leur pays et de leur culture face à l'immigration, la déchristianisation, la remise en cause de nos modes de vie et de nos idéaux. Entrait d'un entretien avec l'auteur, paru sur Livre Noir :
Vous établissez un lien entre dépossession et déchristianisation. Quel est-il ?
- Le catholicisme a fait la France. Si notre pays se déchristianise, ce n'est plus la France. S'il n'y a plus une église dans chaque village, ce n'est plus le même pays. C'est la même chose pour ce qui ne se voit pas, tous ces liens et non-dits qui régissent nos rapports sociaux, nos modes de vie qui ont été façonnés par le catholicisme. Par exemple, la remise en cause de l'anthropologie chrétienne qui se manifeste à travers les différentes lois sociétales transforme la France. La déchristianisation laisse place peu à peu à une société sans morale commune donc à un peuple qui partage de moins en moins de choses en commun.
À propos de Noël, vous écrivez "De quelle fête [s'agit-il] ? La plupart ne savent pas." Comment les Français ont-ils perdu leurs repères, même les plus élémentaires ?
Les Français ont perdu leurs repères en refusant la transmission. La génération de Mai 68 a cru qu'en n'imposant rien à leurs enfants, elle les libérerait d'un carcan et les rendrait libre. C'est l'inverse qui s'est produit. Quand les mœurs et les coutumes deviennent relatives, plus rien ne protège l'homme de ses pulsions. Ce qui arrange bien la société de consommation qui a tout intérêt à flatter les bas instincts et avoir en face d'elle une foule de consommateurs plutôt qu'un peuple. Il y a bien sûr pleins d'autres facteurs de la mondialisation à la déchristianisation.
[ Signé : Michel Janva le 2 avril 2022, extrait du site : https://livrenoir.fr/]
à rebours des idées convenues
4/5 https://www.bvoltaire.fr/
.----. Il a l’esprit subtil, lent et un peu baroque. Jean est le héros de Dépossession, un roman signé Édouard de Praron, publié aux Presses de la Délivrance. Habité par un éternel questionnement sur le monde et les valeurs qui l’entourent, ce jeune homme promène un intérêt fatigué ou une fatigue intéressée (on ne sait pas trop) sur l’ensemble des problèmes de la société contemporaine en milieu urbain. Et Dieu sait s’il y en a, des problèmes.
Notre héros houellebecquien bien élevé les prend les uns après les autres, les tourne, les retourne, les expose aux voisins plus ou moins caractéristiques de l’époque. « Il ne pensait pas que c’était mieux avant, mais il avait découvert ce qu’était la nostalgie, sentiment qu’il n’aurait jamais pensé ressentir aussi jeune. » Jean est donc définitivement nostalgique. Mais sa nostalgie sans origine très nette ni but très précis se précise après les attentats de Toulouse. « Lorsqu’il avait vu la tête de Mohammed Merah s’afficher à l’écran, il avait eu l’impression qu’un voile se déchirait. » Il gamberge, notre héros. Il pense, il lit, il s’assoupit sur YouTube en laissant le logiciel le guider dans la jungle des images en ligne, il observe tout. Toutes les occasions sont bonnes : la journée, où il s’ennuie comme un rat mort entre ses open space et ses réunions mornes au bureau, comme le soir. Heureusement, il y a les voisins : Monsieur Balkrowski, arrivé de Pologne en France et dont les enfants réussissent, la famille Sissoko, d’origine nigériane, Madame Germaine qui répète : « Eh oui, c’est comme ça. » Et puis ses collègues de bureau, ravis d’avoir obtenu le label diversité, au contraire de Jean. « Jean eut envie de taper du poing sur la table mais se contenta de taper les mots label diversité sur Google. Peu à peu, horreur, Jean devient… réac ! » « Jean était pour la méritocratie et refusait d’abaisser le niveau des plus forts pour faciliter l’intégration des plus faibles. Jean croyait que c’était d’abord aux familles de se prendre en main. » Jean constate qu’on ne peut pas parler d’immigration. Après la diversité, son entreprise s’attaque à la promotion de la parité.
Peu à peu, Jean déconstruit les raisons de l’immigration, le glissement du vocabulaire qui oublie nos racines (« Joyeuses fêtes »), qui applique à la lettre la parité (« Chacun, chacune ») ou se scandalise de la présence d’une… crèche au pied du sapin. Il est bizarre, ce héros. Il répète et médite les mots du chanteur Jean-Jacques Goldman : « Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été allemand ? »
Peut-être parce qu’il a conservé un grand-père et des attaches dans l’Anjou rural profond, Praron regarde avec un œil vrai les soubresauts de l’époque, ses déviances, ses renoncements, ses faux-semblants, ses destructions et le cortège des misères qui l’accompagne. L’incendie de Notre-Dame le plonge dans un abîme de réflexion. Les attentats du Bataclan vont resserrer le débat d’idées. Les dégâts de l’immigration aussi, il y répond non sans subtilité. « Dans les années 80, Jean aurait certainement été l’adversaire des laïcards. Aujourd’hui, il se reconnaissait dans le discours de certains d’entre eux sur l’islam […]. Avec Karim, qui se posait en victime de l’islamophobie, la distance était plus grande. Mais leurs points de vue pouvaient converger si les sujets de bioéthique ou de politique familiale prenaient le dessus du débat public. […] Face aux délires des théoriciens du genre, ils pouvaient s’accorder. »
Dépossession, d’Édouard de Praron, a tous les ingrédients d’un roman d’initiation moderne, à rebours des idées convenues et de la moraline à la mode. C’est réjouissant. Il manque encore à l’auteur la science d’une intrigue captivante et l’épaisseur de vrais personnages pour donner à ce premier pas prometteur la chair, la vie et la colonne vertébrale d’un grand livre.
[ Signé : Marc Baudriller le 24 juin 2022 - Journaliste ]
P.S. : BOULEVARD VOLTAIRE c'est : Œuvrer, petit à petit, à restaurer le vrai débat d'idées qui manque tant dans notre pays ; Donner la parole aux experts ou aux personnalités militantes qui s'opposent à la pensée unique et sont bannis des plateaux télé ou des émissions de radio ; Maintenir un espace de liberté d'expression et d'opinion, sur Internet, qui échappe à la censure du « médiatiquement correct » ; Continuer à diffuser sans relâche l'information alternative qu'on ne trouve pas dans les grands médias