De Mauzé à Tombouctou sur les pas de René Caillié

René Caillié doit être considéré comme un des plus admirables modèles d'énergie que n'ait jamais connu la France dans le XIXe siècle. Imaginez par la pensée ce voyageur de vingt-huit ans tel que nous le montrent les gravures de l'époque, petit, fragile. C'est cet homme qui va pénétrer dans la ville interdite de Tombouctou, le 20 avril 1828.
Son voyage à travers l' Afrique Occidentale fut un exploit stupéfiant. Bien d'autres avant lui ont tenté l'aventure, avec de nombreux bagages, une escorte armée, pour aboutir à un échec. Pour réussir Caillié le sait bien, il faut l'audace d'un homme isolé, anonyme, pouvant circuler sans être suspecté et voir sans être vu. Il réalisa ce tour de force d'apprendre en quelques mois l'arabe pour pouvoir passer pour un Musulman.
Mêlé à une caravane, il va sur les pistes africaines, en passant par Combaya, Kouroussa, Kankan, Timé, où le scorbut faillit avoir raison de son énergie. Après de longues semaines entre la vie et la mort, il reprend quelques forces afin de continuer sa route en passant par Djenné. La fatigue, la maladie, la fièvre, les blessures, les humiliations et les insultes l'accompagnent tout le long de la route jusqu'à Tombouctou.
On demeure stupéfait quand on songe à la maîtrise de soi qui lui fut nécessaire pour ne pas se départir un seul instant, pendant près de deux ans, du rôle qu'il s'était assigné : celui d'un Egyptien, prisonnier des Français, emmené comme esclave au Sénégal et cherchant à regagner son pays après s'être évadé.
Le 4 mai 1828, il quitte Tombouctou, commence alors la seconde partie de son odyssée, la plus inhumaine. Il s'éloigne en direction du Maroc qu'il sait pourtant hostile, à travers les solitudes infinies du Sahara, dans un paysage de chaleur poussiéreuse, sans manger à sa faim, sans boire à sa soif. Le malheureux arrivera à Tanger, épuisé, décharné, loqueteux, dans un tel état que nul ne peut deviner son âge.