Il faut savoir trier !
4/5 Présent .
.----. En ce temps-là (les années 1968 à 1981, qui sont celles ciblées par Michel Mourlet dans son livre), on lisait ses critiques de cinéma avec passion dans les pages de Valeurs actuelles et Spectacle du Monde.Il y avait le regard sur la dimension artistique de l’œuvre décrite, mais aussi, fréquemment, une mise en perspective dans le contexte politique et sociétal de l'époque, qui était celui de " la fin de beaucoup de choses et le début de beaucoup d'autres qui, quoi qu'on en dise, n'ont pas vraiment amélioré l'état de la société française ni l'art d'y vivre ", écrit Mourlet.
Pour les gens de ma génération, ces années-là furent celles du passage de l'adolescence à l'âge adulte, de la montée à Paris, d'une liberté qui permettait de fréquenter régulièrement les cinémas et de tout voir, ou du moins tout ce qu'on avait envie de voir. De même pour la littérature, le théâtre, la musique.
Plus tard arrivent la saturation, la sélection, la recherche de seules œuvres de qualité ou qui nous parlent, par manque de loisirs, par refus de perdre son temps, par la prise de conscience progressive qu'il faut trier et faire davantage confiance aux critères dont on se sent proche. Robert Poulet, Kléber Haedens, Pol Vandromme, André Thérive ou Bernard George pour la littérature, Rebatet pour la musique, Marmin et Mourlet, précisément, Vinneuil aussi (alias Rebatet encore) pour le cinéma.
Parcourir ce dictionnaire du bon plaisir au cinéma, c'est se plonger dans un " prélèvement " de douze années de cinéphilie. Et le premier réflexe consiste à repérer les films qu'on avait vus à l'époque, pour vérifier si le souvenir qu'on en conserve correspond à celui que le critique de cinéma a gravé dans le marbre. La surprise vient d'abord du fait que l'on n'a vu que très peu de ces films, alors que nous avions le sentiment, le souvenir usurpé, d'avoir été au top du suivi de la production cinématographique. J'ai pour ma part repéré Délivrance, L'Homme de fer, L'Homme de marbre, Jeune et innocent (film d'Hitchcock de 1937, inédit en France), Mort sur le Nil, Orange mécanique, Les 39 Marches, Voyage au bout de l'enfer, vus dès leur sortie. Ce qui ne représente rien ou presque des deux cents films repérés par Mourlet, un minuscule échantillon dans l'échantillon déjà épars du critique. ( suite ... )
Un après-Mai 68 cinéphile.
3/5 Présent .
.----. Pourquoi avoir donné ce titre : Dans le fauteuil du quatrième rang, à la compilation un brin nostalgique de Mourlet ? Il s'en explique : les cinéphiles, à une époque sans stéréophonie, avaient déterminé la place idéale pour se trouver exactement DANS l'image. Cette place était au quatrième rang, au centre.
Que Mourlet nous permette de conclure sur une critique : puisque son recueil s'adresse en fait à ceux qui ont vécu avec passion un après-Mai 68 cinéphilique, il aurait été préférable de reprendre tout simplement l'ordre chronologique des sorties de films pour mieux faire coller cette (re)lecture avec nos propres souvenirs, plutôt que l'ordre alphabétique, et aussi épurer l'ouvrage de la recension des films sans intérêt et oubliés à juste titre dès le lendemain de leur sortie.
Malgré cette critique, ce livre trouvera sa place dans la bibliothèque d'un honnête homme, à côté des études et compilations de Tulard, Leguèbe, Marmin, Ford, Lourcelles, et Bardèche-Brasillach, bien entendu.
[ Présent, numéro 10027 du 3 décembre 2021 ]