Entretien avec l'auteur !
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.----.Arnaud Guyot-Jeannin : « Le nationalisme conduit à l’éradication des enracinements ethnopopulaires et des identités collectives » [Interview]
Arnaud Guyot-Jeannin vient de rédiger une Critique du nationalisme, éditée chez Via Romana, ouvrage d’une centaine de pages vivifiantes, que nous vous conseillons.
Nous avons interviewé Arnaud Guyot-Jeannin pour évoquer l’ouvrage.
Breizh-info.com : Quelles sont les différentes définitions du nationalisme ?
Arnaud Guyot-Jeannin : Le nationalisme recouvre plusieurs acceptations. On peut néanmoins s’entendre sur deux d’entre-elles. La première définit le nationalisme comme l’aspiration plus ou moins volontaire, entée sur des éléments objectifs ou subjectifs, d’un peuple à se constituer ou se reconstituer en tant que nation, celle-ci étant le cadre le plus adapté à l’affirmation de l’identité collective. Il s’agit là d’un mouvement perpétuel de construction historique. La seconde acceptation définit plus simplement le nationalisme comme la doctrine politique qui affirme que le gouvernement doit se préoccuper d’abord, voir exclusivement, de l’intérêt national. Fondamentalement réactif, le nationalisme est d’abord contre. Il est rarement pour. Il suscite les guerres ou est suscité par elles.
En effet, il se désigne un ennemi. Mais, cet ennemi peut être différent selon les circonstances. C’est ainsi qu’historiquement, on peut constater que le nationalisme a pu être aussi bien moderne qu’antimoderne, élitiste que populaire, monarchiste que républicain, de droite que de gauche, libéral que socialiste, catholique qu’athée. Malgré la pluralité du nationalisme, celui-ci demeure partisan de l’ethnocentrisme et du subjectivisme national/tribal. Il incarne une idéologie au Moi exacerbé. Et ne reconnaît par l’identité en soi, mais l’identité pour soi. Le préfacier Alain de Benoist a raison d’affirmer : « La leçon est claire : se battre au nom d’une appartenance (subjective), c’est bien, se battre au nom d’une conception (objective), c’est mieux ». En effet, l’appartenance est un fait objectif. La défense de la nation est un jugement subjectif. Or, mon identité n’est pas obligatoirement une menace pour celle des autres. De même, l’identité des autres n’est pas plus une menace pour la mienne propre. Il faut donc opposer l’appartenance comme principe (avoir un principe surplombant l’appartenance, défendre les peuples, tous les peuples, et par conséquent aussi le sien) à l’appartenance comme subjectivité (donner raison aux siens, défendre son peuple, en n’importe quelles circonstances).
Breizh-info.com :En quoi est-il indispensable, selon vous, de dépasser, au 21ème siècle, le nationalisme ? Croyez-vous en l’hypothèse d’une troisième voie émergente, entre nationalisme et mondialisation libérale ?
AGJ : L’Etat-nation centralisé et administratif français est trop grand pour régler les petits problèmes (revendications identitaires, tribales et communautaristes) et trop petits pour s’occuper des grands (construction européenne, mondialisation). Quant aux problématiques écologiques, elles renvoient au local comme au global. En son temps, Denis de Rougemont a pu proclamer avec lucidité : « Parce qu’ils sont trop petits, les Etats-Nations devraient se fédérer à l’échelle continentale ; et parce qu’ils sont trop grands, ils devraient se fédéraliser à l’intérieur ».Et Rougemont d’ajouter : « Nous ne voulons pas la disparition de l’Etat ; au contraire, nous en voulons à chaque étage ».
Il est évident qu’avec l’Union européenne qui est une anti-Europe, il faudra attendre un moment pour édifier cette nécessaire Europe fédérale basé sur le principe de subsidiarité, dit de souveraineté conjuguée et de compétence suffisante, qui veut que chaque décision soit prise à l’échelon le plus bas possible. Mais elle est pourtant nécessaire, voir indispensable, parce que nous vivons dans un monde interdépendant multipolaire et globalisé traversé par des grands ensembles civilisationnels et continentaux (L’Inde, la Chine, la Russie, les Etats-Unis) auxquels la France seule ne peut pas faire face. C’est pourquoi, il n’est pas interdit d’entrevoir, à moyen terme, la mise en place d’un Empire européen. Mais pour cela, il faut que cet Empire Européen tire sa légitimité d’un sacré qui fait défaut.
Breizh-info.com : En quoi, finalement, le nationalisme est-il l’antithèse de l’enracinement, de la défense de l’identité ?
AGJ : Le nationalisme conduit à l’éradication des enracinements ethnopopulaires et des identités collectives. Historiquement, l’Etat-nation jacobin issu de la Révolution française a centralisé la France – depuis Paris – au détriment de ses peuples constitutifs (Bretagne, Alsace etc). Ce processus uniformisant était en germe sous la monarchie capétienne à partir de Philippe Le Bel où le roi a joué la bourgeoisie contre les féodaux.
Il faut comprendre que le nationalisme est une idéologie moderne et de gauche. Il n’a rien de traditionnel. Il en est même l’antithèse ou la parodie. La volonté de puissance nationaliste, sous la monarchie absolue comme sous la Révolution française se substituent à l’autorité spirituelle, à l’aristocratie traditionnelle et aux corps intermédiaires. Ainsi, à la légitimité sacrale du pouvoir succède la légitimité nationale. La centralité nationale se substitue à la centralité spirituelle. Les corporations, elles, sont abolies par la sinistre Loi le Chapelier (14 juin 1791). Ainsi la bourgeoisie et l’Etat-tout puissant vont déboucher sur un capitalisme industriel sans foi, ni loi, niant toute protection sociale pour le peuple.
L’Etat national représente la phrase rétractée de l’actuelle uniformisation à l’échelle mondiale. L’article 2 de la Constitution de 1958 s’inscrit dans la lignée du jacobinisme républicain. Il proclame que la France est une « République une et indivisible » qui fait fi de « toute distinction d’origine, de race ou de religion ». Cet article ordonne que la France soit une nation qui comprenne un seul et unique peuple. Les cultures traditionnelles sont balayées. Ce centralisme jacobin se conjugue aujourd’hui à la mondialisation capitaliste à l’échelle locale, nationale et continentale. C’est pourquoi, demain, seule une France et une Europe des peuples enracinés nous évitera le pire !
[ Propos recueillis par YV le 02 novembre 2021 sur Breizh-info.com, ]
Défense et illustration du nationalisme
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.----. Arnaud Guyot Jeannin vient de faire paraître un petit ouvrage intitulé « Critique du nationalisme » et sous-titré « Plaidoyer pour l’enracinement et l’identité ».
Disons-le immédiatement : ce livre est une charge continue contre le nationalisme et n’incite en rien à s’enraciner et à être fier de son identité. Il est aussi et surtout empli d’erreurs et appartient à cette catégorie d’ouvrages qui ne sont rien d’autre que des boulets visant le camp qu’ils prétendent défendre. Il est indispensable de clarifier la question.
Guyot Jeannin déconstructeur
Que Guyot Jeannin n’aime pas le nationalisme, cela apparaît dès la première ligne de l’introduction qui consiste en une citation d’un dénommé Ernst Gellner – citoyen britannique exilé juif de Bohême Moravie en 1939 – qu’il fait sienne : « L’idéologie nationaliste est imprégnée de raisonnements erronés. Ses mythes inversent la réalité : elle prétend défendre la culture populaire alors qu’en fait, elle forge une haute culture. Elle prétend protéger une société populaire ancienne alors qu’elle contribue à construire une société de masse anonyme ».
Dès l’abord, le nationalisme nous est présenté de fait comme un fatras d’élucubrations démentes, fausses et par suite dangereuses. Plus encore, le nationalisme est réduit à l’état d’une idéologie constituée de mythes, autrement dit d’images et de récits sans fondement scientifique qui travestissement le réel. Pour un Guyot Jeannin qui est généralement classé politique « de droite », sinon de droite extrême, le propos ne manque pas d’étonner.
Et, si nous suivons ce texte, le nationalisme est accusé de forger une « haute culture ». Mais où est le mal ? En toutes choses il faut rechercher l’excellence. Et la culture populaire n’est-elle pas l’expression vivante de l’âme d’un peuple, du génie de ce peuple ? Elle constitue la substance à partir de laquelle il est naturel que l’intelligence humaine se développe, se nourrisse et s’accomplisse. L’intelligence de chacun est l’héritière d’un savoir sans lequel, non seulement elle ne serait pas elle-même mais sans lequel elle serait carencée, l’homme ne pouvant « s’homminiser », se réaliser en tant qu’homme, que dans le cadre d’une tradition culturelle et civilisatrice. Dès lors, dans ce cadre, notre intelligence développe une pensée qui participe à l’expression de la richesse de l’humanité dans l’universel, laquelle est constituée de l’ensemble de la diversité des peuples qui la constituent.
Mais une autre accusation vient aussitôt : le nationalisme vise à constituer une société de masse anonyme, trompant en quelque sorte les peuples sous couvert de protection de leur culture populaire. C’est en fait réduire le nationalisme au cas particulier du jacobinisme pris comme référence – ce qui est fait p. 35 en écrivant que le jacobinisme est cause du nationalisme : « L’absence d’intermédiaire entre le citoyen et la nation a été rendu possible à cause de la centralisation pré jacobine de la monarchie absolue ». De même, si le fascisme et le national-socialisme sont ici visés, faut-il rappeler le contexte dans lequel ils sont apparus et se sont développés, à savoir celui de peuples qui devaient achever leur unification, scellée dans le sang de la Grande Guerre et, plus particulièrement pour l’Allemagne, celui d’un peuple désirant retrouver une place juste dans le concert des nations, place qui lui était refusée par les vainqueurs de 1918 lesquels, fait nouveau dans l’histoire, n’avaient pas tant soi peu associé le vaincu à l’établissement de la paix. Rappelons que le traité de Versailles disposait d’un article 19 ouvrant la voie à sa révision, article qui fut vite ignoré mais dont l’évocation aurait pu contribuer à éviter une montée aux extrêmes. Mais on ne refait pas l’histoire.
Guyot Jeannin ne va pas s’arrêter là ; il va continuer à tenter de déconsidérer le nationalisme tout au long de son écrit. Ainsi, p. 53, il professe que le nationalisme est une « illusion ». En effet, écrit-il, « l’illusion nationaliste semble reprendre l’avantage face au mondialisme (mercantiliste et techniciste) – auquel il est indissociablement lié – dans la mesure où elle est maximaliste et vitaliste … et exerce une forte attraction sur les masses » reprenant son propos p. 20 « le nationalisme gagne du terrain tous les jours à travers la progression du souverainisme notamment ».
Mais pourquoi donc « illusion » ? S’agit-il du nationalisme ou de ce qui le sous-tend, à savoir le fait national ? Commençons par l’objet auquel se rapporte le nationalisme, à savoir la nation. Si c’est le fait national qui est illusoire, autrement dit la nation, le nationalisme n’a évidemment ni consistance, ni valeur.
Et c’est bien ce que pense Guyot Jeannin. Là encore, il fait sienne une citation (p.46) : « Une nation est une société unie par une commune erreur quant à ses origines et une profonde aversion pour ses voisines ». (Huxley et Haddon, « We Europeans »). Sachant que ce Julian Huxley, frère d’Aldous, a été une des chevilles ouvrières du mondialisme satanique, de telles assertions ne peuvent nous étonner. Mais qu’un « patriote » s’en revendique, c’est très inquiétant.
Notons ceci : la nation est présumée fondée sur l’erreur. Il en résulte que tout ce qui pourra être invoqué quant aux origines de la nation devra être tenu pour nul et non avenu ! Peu importent les faits objectifs, réels qui fondent cette origine. Ainsi, dans le cas de la France, en se fondant sur de tels présupposés, les Gaulois sont une erreur : ont-ils existé en tant que tels ? Les travaux de Jean-Louis Brunaux sont peut-être des fables pour adultes ? Clovis, baptisé en 496 ? Mais pas du tout ! Ce peut être en 497 ou en 500, voire après. Et puis, Grégoire de Tours, notre principale source, a écrit un siècle plus tard ! Alors ….pensez !
En pratiquant cet exercice de déconstruction, pernicieux par nature – il suffit de lire les élucubrations d’un Derrida – il ne s’agit pas de rechercher quelque vérité historique, mais tout simplement de saper les fondements spirituels et historiques d’un peuple, de le faire douter de lui-même et de son droit à être lui-même.
Nous résumons : selon Guyot Jeannin, le nationalisme est une illusion fondée sur une erreur : la nation (mot dont il convient par ailleurs – p. 33 – qu’il apparaît au XIIe siècle). Et quelle erreur : elle est fondamentalement horrible car elle repose sur la haine de « l’autre » pour reprendre un mot mis à la mode par Levinas.
Décidément, si nous suivons Guyot Jeannin, la racine « nation », et tout ce qui en dérive, se résume à n’être qu’un ramassis de balivernes, par surcroît abominable et dangereux
[ Extrait d'un entretien sur https://integralisme-organique.com/ par André Gandillon en réponse à Arnaud Guyot Jeannin ]