L'histoire, dit-on, ne se répète pas. Pourtant, elle ne fait que se repéter. Les termes changent, les auteurs, la pièce, le théâtre restent les mêmes. 1920 : la constitution de la Yougoslavie, l'unité tant désirée, souhaitée et demandée par les Serbes, les Croates, les Slovènes, devient une réalité. Ils s'agglomèrent autour de la Serbie, coeur de ce pays unitaire et tellement voulu. Le tout est patronné par les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne. La Société des Nations apporte sa caution à cette nouvelle nation et l'accepte en son sein. 1991 : ces mêmes Puissances, au nom des mêmes principes et sur la base des mêmes données (la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes) tentent, avec l'accord et la bénédiction de l'Organisation des Nations-Unies, de détruire le même ensemble. En effet, une organisation mondiale pour la paix comme l'ONU ne pouvait être qu'extrêmement gênante pour tout agresseur qui se présenterait comme défenseur du Droit et de la liberté des peuples. Les Occidentaux donc, les Américains en tête, firent et font tout pour la mettre à leur botte ou la discréditer. D'organe suprême, dont les décisions auraient dû imposer la paix, les séances du Conseil de Sécurité se transformèrent en réunions préparatoires d'actions militaires belliqueuses (dévolues à l'OTAN) sous la couverture juridique du Droit des hommes à disposer d'eux-mêmes. Désabusé, M. Jean-Bernard Mérimée, l'ambassadeur français à l'ONU, remarquait que "le Conseil de Sécurité n'est pas une instance démocratique".
Proche mais combien lointaine semble la Yougoslavie emmurée vivante par la violence la plus sordide, celle qui naît face à celui qui veut vivre libre. Un nouveau rideau de fer fait de calomnies et un blocus impitoyable viennent de l'assiéger. Pays indépendant mais rendu vulnérable par la conjoncture géopolitique et d'obscurs chefs de caste, il est en passe d'être dépecé par une Europe qui, désormais, est soumise au diktat américain et à des tracés de frontières porteurs de drames futurs.
"Cum-prendere" : tel est le grand talent de Dimitri T Amalis (qui nous livre ici, d'une plume à la fois claire et profonde, quelques clefs qui, à l'évidence, manquent aux "diplomates" d'aujourd'hui, comme aux politiques ou aux journalistes, pour saisir dans son ensemble ce qu'il est convenu d'appeler "la crise yougoslave".
Voici donc un "paysage après la pluie", à la manière des tableaux de Gainsborough : une tornade est passée et, de ce que l'on croyait connaître, tout parait être à la même place, mais tout est transformé. Cette tornade, c'est la plume de l'auteur, qui secoue et rafraîchit chaque chose - et ce qui est transformé pour toujours, c'est notre regard. Ceux qui croient savoir deux ou trois choses sur la Yougoslavie ne prendront pas impunément le risque de lire un tel livre. Paul-Marie Coûteaux