Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) a des raisons de se battre - non pas simplement de vivre. Son physique énorme, fabuleux, à la saint Thomas d'Aquin, sert ces heureux desseins. Ses romans, tels l'inoubliable Le Nommé Jeudi ou L'Auberge volante - regorgent de bagarres inouïes, signes de la prodigieuse santé de cet esprit résolument hors norme. Quant à l'imagination, l'humour et la fantaisie, qui l'animent en toute chose, en toute oeuvre, ce ne sont là que dons du Ciel qui décuplent les forces de ce conspirateur-né.
Protestant anglais converti au catholicisme romain, Chesterton est un polémiste et un apologiste à cheval entre le XIXe et le XXe siècle, un paladin du papisme, un champion de l'Eglise militante et triomphante qui sort de l'ombre au moment précis où le christianisme entame son déclin. Peu soucieux de l'Histoire, Chesterton est d'abord un homme de foi et d'honneur qui conserve l'âme hauturière du Moyen Age.
S'il défie la modernité, et s'il passe pour un traître à son pays et parfois même à sa classe sociale, c'est à la fois en sage et en fou, en excentrique et en réservé qu'il donne et rend tous les coups. De son sens du paradoxe naîtra une lecture du monde unique en son genre, gouvernée par l'éternelle et impossible quête du centre.
Gérard Joulié commença ses études au collège Stanislas et les termina au lycée français de Londres. On le retrouve, quelques années plus tard, installé à Lausanne et associé aux destinées littéraires de la maison d'édition L'Age d'Homme pour laquelle il traduit Ronald Firbank, Saki, Boswell, Gore Vidal, Rebecca West, T. L. Peacock, Ivy Compton-Burnett et bien sûr Chesterton.