Le noble plaisir de louer (2 )
5/5 Réseau Regain.
.----. L’essentiel de l’oeuvre de Du Bos
tient dans son monumental Journal et
dans les études qu’il rassembla sous
le titre Approximations. Dans ces milliers
de pages, s’exerce en plénitude
le "noble plaisir de louer" que le diariste,
citant Swinburne, aimait invoquer.
De même Crépu rappelle que,
pour Du Bos, une "tolérance prompte,
facile, aiguisée de plaisir, est une
condition essentielle du génie critique".
L’acquiescement n’est pas
chez lui le résidu d’une morale
vaguement teintée de christianisme,
mais l’impératif essentiel de sa
méthode critique. Cependant, il se
méfiait d’une exaltation qui pouvait
aller jusqu’à la démesure. Paraphrasant
Sainte-Beuve, il rêvait d’une
"sorte de paix exaltée". D’ailleurs, il
citait aussi ce mot extraordinaire de
Joubert: "La bonhomie est une perfection."
L’auteur analyse avec finesse l’esthétique
et la jouissance du beau
chez Du Bos - "jouissance de réception"
et non "jouissance de conquête",
précise l’auteur. Son esthétique est
inséparable de la visée morale, spirituelle
de l’art. À la volonté et à la
"précipitation captatrice", il oppose
une "intelligence désintéressée",
libre, hospitalière. Ce mouvement qui
porte Du Bos vers l’oeuvre des autres,c’est, véritablement, son oeuvre à lui.
C’est là que se fonde son identité
d’écrivain, solidaire de son identité
de critique. En 1927, dans son Journal,
il écrivit ces lignes belles et
étranges qui définissent sa vocation:
"J’en suis venu à me demander si la
forme de sentiment qui est la plus
essentiellement mienne ne consiste
pas à obtenir tout simplement la vue
d’un visage désarmé." ( Nota: Le Journal a été réédité chez
Buchet-Chastel (3 vol., 2003-2005).
Approximations, a été repris aux Éditions
des Syrtes en 2000. ) [Notes de lectures de Georges Leroy du mois de juillet 2007 ]
Le noble plaisir de louer
5/5 Réseau Regain.
.----. Charles Du Bos n’est-il qu’un
aimable représentant d’une civilisation
disparue? De fait, sa mort en
août 1939 lui épargna la vue d’un
monde en train de s’écrouler. Disparaissaient
en même temps un certain
climat intellectuel, celui de l’entredeux-
guerres, et la référence à des
valeurs spirituelles communes. Les
Décades de Pontigny, créées par Paul
Desjardins en 1910, furent l’un des
derniers espaces où s’exerça cette
convivialité intellectuelle et cosmopolite
qu’il affectionnait tant. Ce fils
de la grande bourgeoisie était bien
l’héritier d’une vaste culture européenne
- française, anglo-saxonne et
germanique.
Intemporel, anachronique,
Charles Du Bos l’était déjà de son
temps, lui qui disait: "Je puis me simplifier
sans limite, oubliant mon
milieu, mon époque et me faire d’un
autre âge…" Son " oeuvre n’est pas
plus adaptée à l’époque actuelle que
ne l’était à la sienne le pauvre Charlie",
soulignait François Mauriac.
Considérons donc cette inadaptation
comme une arme pour résister à l’arrogance
amnésique d’une culture qui
prétend, à chaque instant, s’engendrer
d’elle-même.
Ce livre est une introduction intelligente
et sensible à la personne et
surtout à l’oeuvre de Charles Du Bos.
Une oeuvre entièrement vouée à un
double mouvement: la lecture et la
critique de la littérature et la connaissance
de soi. "À mes yeux, disait-il,
l’acte intellectuel par excellence fut
toujours acte de compréhension bien plutôt qu’acte d’invention." Il serait
donc arbitraire de distinguer ces deux
impulsions: elles ne forment qu’une
seule et même nécessité. Toute introspection
passe par l’accueil et l’intelligence
des œuvres d’autrui. Tout geste
critique est intégralement littéraire, et
c’est en cela qu’il concourt à la
connaissance et à la conscience de
soi.
"L’art, j’entends celui en qui l’artiste
a requis, obtenu, engagé l’homme
tout entier, nous révèle à nous-même",
affirmait ce catholique (il
revint dans le giron de l’Église en
1927, à l’âge de 45 ans) qui ne sépara
jamais le "spirituel" de "l’ordre littéraire".
La littérature, disait-il encore,
est "la vie prenant conscience d’elle-même
lorsque dans l’âme d’un
homme de génie elle rejoint sa plénitude
d’expression". ( suite ... )
Critique hors pair ?
5/5 Réseau Regain .
.----. Charles Du Bos au début du
XXI°s ? Qui se souvient de son Journal,
un des plus extraordinaires qui
soient ? De ses Approximations,
preuves d’un critique hors pair? Derrière
Du Bos (1882-1939), on devine
la présence de tout ce qui a compté
en littérature dans la première moitié
de ce siècle: Proust, Hofmannsthal,
Rilke, Claudel, Valéry, Gide et bien
d’autres écrivains. Européen de cœur,
il a été l’ultime représentant d’une
espèce disparue, où la vie est faite de
voyage et de réceptions et où on peut s’adonner pleinement à la culture. Sa
vie quotidienne s’est déroulée dans la
familiarité des «grands» qui composent
la bibliothèque.
Mais il ne s’agit pas seulement de
ranimer les souvenirs d’un temps
révolu. Le Journal de Du Bos est
d’abord, et cela d’une façon absolument
singulière et inouïe, l’aventure
d’un homme pour qui la littérature fut
le lieu d’une expérience spirituelle
sans équivalent. Cet essai s’est donné
pour tâche de la faire savoir. ( suite ... )