1925-1928. Années cruciales pour l'Église de France. Elles coïncident avec le déroulement de la condamnation de l'Action française par Pie XI. Si l'affaire commence avec la Lettre d'avertissement du cardinal Andrieu (25 août 1926), les "Carnets" d'Alfred Baudrillart montrent un pape depuis longtemps attentif à la question. Seize mois auparavant en effet, en avril 1925, le recteur de Paris obtient une longue audience de Pie XI qui l'interroge sur l'influence et les procédés de l'Action française et sur les évêques qui lui sont favorables.
Durant l'année 1926, le recteur accomplit deux nouveaux voyages à Rome. Il bénéficie de deux nouvelles audiences du pape (6 septembre et 20 octobre). Mgr Baudrillart relate ses dialogues avec lui, les jugements de Pie XI sur Charles Maurras, sur Léon Daudet, sur le "venin" contenu dans le journal "L'Action française". La pensée du pape était parfaitement claire, beaucoup plus nette que les premiers documents romains qui vont paraître. Les "Carnets" nous renseignent sur les partisans et les adversaires de l'Action française, les évêques compromis, le cardinal Billot, le supérieur Le Floch, etc. Bien d'autres événements d'Église parsèment aussi les "Carnets", par exemple l'affaire du père Sanson, "débarqué" de la chaire de Notre-Dame de Paris. Mgr Baudrillart doit accepter de le remplacer en 1928 pour les Conférences de carême.
Par ailleurs, les nombreux voyages et les missions du recteur à l'étranger nous révèlent la situation religieuse des pays visités : Pays-Bas et Italie en 1926, États-Unis, Canada et Pologne en 1927, Pays scandinaves en 1928. Mgr Baudrillart se montre toujours passionné par la politique intérieure de la France et par les relations internationales. Son inquiétude se nourrit des progrès des partisans de l'autonomie en Alsace, de la montée du nationalisme indigène en Afrique du Nord, de la désastreuse politique de Sarrail au Liban et des menaces préoccupantes de Moscou. Surtout sa méfiance ne cesse de grandir à l'égard de Briand, perpétuel ministre des Affaires étrangères. Le traité de Locarno lui inspire d'emblée des réserves : "Le jour où les nationalistes allemands se trouveront tout à fait les maîtres de l'État, qui nous garantira ?" (20 octobre 1925).
Le lecteur ne pourra que partager les regrets du recteur : "Que n'ai-je pris plus jeune l'habitude d'écrire mes notes, comme je le fais depuis le premier jour de la guerre !" (25 octobre 1925).