Les Bourbons dans les « Carnets »
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.----. Conclusion d'une longue étude portant sur les 9 tomes et publiée sous le titre :
[CEH] Les Bourbons dans les « Carnets » du cardinal Baudrillart
En fait, l’alliance d’un libéralisme conservateur et autoritaire, d’un sentiment monarchique sincère et profond et d’une double conviction sur les renonciations espagnoles et les droits de la Nation à choisir son roi[42] portent à conclure que, n’intégrant- ni le statut réel et contraignant de la dévolution de la couronne en France ni l’essence non démocratique de la royauté traditionnelle[43], Baudrillart n’est pas légitimiste et que le fond de sa pensée consiste -essentiellement en un pragmatisme : il est tantôt orléaniste, tantôt parmiste, ou tout à la fois, n’excluant pas même Alphonse XIII, qui a ses yeux, vingt ans avant même la mort de Charles XII l’eût rendu successible en France (1936), eût fait l’affaire aussi bien.
Baudrillart, semble-t-il, resta aussi très sensible et réactif aux personnalités : Chambord a ses regrets, Sixte ses sympathies, Jaime et les Orléans sa réserve et presque ses mépris. Dans leurs constantes et leurs variations ses conceptions en dépendent pour une part.
Mais, en politique moins homme de doctrine peut-être qu’historien, il n’a pas, on vient de le voir, de pensée vraiment arrêté, sinon, très persévéramment te très noblement, celle de l’intérêt de la France, conçu comme une synthèse de catholicisme, de monarchie et de libéralisme. C’est essentiel et ultime, certes, au moins quant aux deux premiers termes, mais, à l’heure actuelle des choix concrets, un peu vague et flexible…
Enfin, malgré une piété, une moralité et — précision inutile — une compétence intellectuelle évidentes, il resta impuissant (et l’avoua parfois) à discerner l’action providentielle dans une actualité marquée par la nullité des décideurs, par l’interminable effacement, depuis la chute des empires centraux en 1918 surtout, des princes et de leurs fervents et, bien sûrs, par le triomphe du Reich. Opposé tout d’abord au nazisme, et sympathisant du Pie XI seconde manière (celui de Mit brennender sorge, 1937), comme d’un Pacelli, rédacteur de la partie diplomatique de l’encyclique (et qu’il jugera étrangement silencieux au début de son pontificat), le Cardinal passera en effet, après la défaite française et la rupture germano-soviétique (juin 1941), une collaboration croissante non dénuée d’estime pour Hitler, et qui scandalisera[44]. L’idée définitive qui fut sienne que, par le puissant du jour, un ordre européen et mondial nouveau advenait où France et christianisme trouveraient un statut favorable[45], explique aussi peut-être sa désaffection pour les monarchies traditionnelles.
Père Augustin Pic (o. p.)
Historien
Grand Aumônier de France
[44] D’où les protestations de Claudel contre ses obsèques solennelles, lequel écrivait en novembre 1940 ; « Les catholiques bien-pensants sont décidément écœurants de bêtise et de lâcheté », cit. dans M. Cointet, L’Église sous Vichy (1940-1945), Paris, Perrin, « Vérités et légendes », 1998, p.198. L’auteur applique la citation à Baudrillart mais sans dire clairement si Claudel le visait et sans donner aucune référence.
[45] Sur le rapport au IIIe Reich, cf. P. Christophe, « Le cardinal Baudrillart et ses choix pendant la Second Guerre mondiale », dans Revue d’histoire de l’Église de France, 78, 1992, p. 57-75.
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