Y a-t-il vertu plus noble que d'être progressiste, et y a-t-il donc crime plus infamant que d'être réactionnaire, ou même simplement conservateur ? Sans doute le progrès ne consiste peut-être plus tout à fait, comme hier, à couper quelques têtes ou à combler les concupiscences humaines. Mais il reste qu'il suffit de domestiquer le vent plutôt que l'atome, ou de préférer le bio à l'industriel, pour que, le développement devenu durable et les hommes écologiquement rassasiés, l'idée de progrès retrouve une séduisante virginité et avec elle toute sa prétention à mener les hommes, par un même mouvement, à la sagesse, à la vertu et à l'aisance. Décidément, même si les paroles ont changé, l'air est resté le même. Mais c'est précisément parce que le progressisme semble s'être assagi qu'il est plus nécessaire que jamais de rappeler qu'il y a toujours un crime pire que de n'être pas progressiste, c'est de l'être, c'est-à-dire d'encourager les hommes dans la conviction qu'ils sont bons, mais que la société ou la nature les a rendus mauvais, que ce n'est pas eux-mêmes mais l'ordre des choses qu'il faut changer, que ce n'est pas de réforme intérieure dont l'humanité a besoin, mais d'exploitation de la nature, hier à tout va, aujourd'hui raisonnée, en un mot qu'ils peuvent se passer de mémoire ou de principes, mais non de science et de révolution.
Contributions de : Jean-Pierre Brancourt, Thierry Buron, Claude Polin, Claude Rousseau, Frédéric Rouvillois et Dominique Tassot
Avec un texte de Guy Augé