Les grands écrivains sont tous frères de Bernard Palissy. Ils font feu de tout bois, brûlent tout ce qui leur tombe sous la main ou dans le coeur. L'être si sensible qu'était René Benjamin a bien compris cette nécessité et sa pièce sur Balzac en est la métaphore incandescente.
Les femmes de la vie de Balzac ont toutes accepté ce rôle de vestale, depuis Madame de Berny, la plus âgée, jusqu'à l'Étrangère, Eve Hanska, comtesse polonaise, et la plus éloignée. On ne doit pas encombrer un génie !
Cette pièce est elle-même le condensé de la biographie de Balzac du même Benjamin, intitulée La Prodigieuse Vie d'Honoré de Balzac, où il s'était déjà révélé un des biographes les plus originaux du romancier. Il invente tous les dialogues que Balzac a pu avoir avec sa famille, ses amis, les femmes aimées, les créanciers, avec lui-même enfin, donnant à son texte une impression de profonde vérité. Car, s'il invente les dialogues, les idées, les sentiments, les mots mêmes sont de Balzac. Ils sont extraits de ses oeuvres ou de sa correspondance.
Dans sa lumineuse biographie de Benjamin ("Qui suis-je ?" René Benjamin), Xavier Soleil a parfaitement montré cette compréhension si intuitive et intelligente de Balzac par René Benjamin, pour la simple et unique raison qu'ils étaient frères. Même vie survoltée, même exaltation, même souci de guider la société, même vénération pour le trône, l'autel et la beauté et même volonté d'en être le missionnaire et le prophète.
Cette pièce vous ouvre un monde fervent, celui de Balzac, celui de René Benjamin et celui de Xavier Soleil qui ressuscite ces oeuvres avec le même sens de la mission que les deux premiers. Ce voyage dans la vraie littérature vous éblouira.
Anne Brassié