Comprendre un pays incompréhensible...
5/5 Présent .
.----. Vaches sacrées, gourous, saris, maharadjahs, ranis, castes, yoga, treks au Népal,
Katmandou, le Gange, Ganesh le dieu-éléphant, Bollywood... S'il est un pays – et quel
pays, presque un continent – qui donne lieu à des clichés qui ont la vie dure, c'est bien
l'Inde.
On peut en balayer un – et spectaculaire – d'entrée de jeu : l'Inde, pays des vaches
sacrées effectivement, est l'un des tout premiers exportateurs mondiaux de viande bovine
(on envoie les bêtes dans les abattoirs du Pakistan voisin et la morale hindoue est
sauve...).
Christiane Quénard sillonne l'Inde (les Indes comme on disait jadis à juste raison)
depuis des années. Pour essayer de comprendre un pays réputé incompréhensible. Un
pays enraciné – englué disent certains – dans des traditions riches, mais pesantes. Mais
aussi un pays qui connaît la plus forte croissance économique (et démographique) du
monde. Et qui est en train d’inventer une audacieuse synthèse entre tradition et
modernité.
De l'Himalaya au Kerala, du Gujurat de Modi à Calcutta, Christiane Quénard est allée
là où les touristes ne vont pas, rencontrant des gens de toutes les classes et de toutes les
castes, discutant avec les chefs d'entreprise, les universitaires, les brahmanes, le petit
peuple des campagnes. Avec une totale empathie. « On ne peut pas plonger au cœur de
l'Inde sans y mettre du cœur, écrit-elle. Et, sans une dose d'irrationalité, on ne peut pas
rendre compte d'une société dans laquelle les dieux et la spiritualité sont si présents
qu'on y vit en permanence sur deux registres : la vie réelle et la vie rêvée ».
Ce témoignage, organisé autour de la vie quotidienne, traite de tout : amour, argent,
dieux, mariage, famille, mort, santé, écologie, économie, etc. En s'appliquant à nuancer
– voire à corriger – ce que le visiteur occasionnel serine comme une antienne : on y
meurt de faim ; il y a des milliers de mendiants ; il y a des lépreux et des malades
partout ; on voit des morts à chaque coin de rue ; c'est très sale ; ils font plein d'enfants ;
ils sont tous bouddhistes ; etc. Tout est (à peu près) faux.
Dans ce pays farouchement hindouiste, le président de la République est musulman.
Non, on n'y meurt plus de faim depuis des lustres. Dans les campagnes (plus de 70% de
la population vit en dehors des villes), on ne voit pas de mendiants. Le livre de
Dominique Lapierre, La Cité de la Joie (sur les lépreux de Calcutta) date de... 1985. Les
Indiens sont des obsédés du balai et de l'hygiène. Les familles indiennes ne comptent pas
plus de deux ou trois enfants. Moins de 1% de la population est bouddhiste. Il serait
peut-être temps de revoir nos notes un peu datées...
Ce voyage dans l'Inde de A à Z est superbement illustré de photos de Patrick Masson
(consultez son site : www.patrickmasson.com) qui a su s'imprégner – et les rendre – de
la sensualité, des couleurs, des odeurs, de la cacophonie des villes, des fêtes insensées, de
la beauté des visages, de l'élégance des femmes. Plongeons au cœur de l'Inde ! [ Alain Sanders dans Présent, n° 8898 du samedi 8 juillet 2017 ]