Manuel de la littérature catholique / 1939.
5/5 M. TEILLARD-CHAMBON.
.----. J. Malègue était hier encore un inconnu, lorsque parut " Augustin ou le Maître est là ". Certains lecteurs furent effrayés de tenir en main deux volumes d'un texte serré, dimension anormale à notre époque de vitesse. Mais Goethe n'a-t-il pas dit que " le roman est le genre de la lenteur "? Après avoir lu ce roman-fleuve où se déroule toute une vie d'homme, auquel une foule d'existences particulières font cortège, le lecteur a éprouvé ce sentiment exprimé par Morgan : voilà un grand courant d'imagination. Il s'embarque sur le fleuve et le long de ses rives que de paysages, d'âmes, de panoramas d'idées se succèdent. Grand et pathétique voyage, douleurs et joies, angoisse de l'esprit, souffrances du corps et du cœur, s'achevant dans le mystère de la mort acceptée comme la suprême révélation. Ce n'est pas une œuvre parfaite, on y pourrait souhaiter l'allégement de parties moins bien venues que les autres, mais c'est un grand livre, prometteur de chefs- d’œuvre. ( extrait de la nouvelle édition, entièrement refondue et mise à jour en 1939 chez SPES par un collectif d'auteurs . )
Une sève qui ravit le visiteur .
5/5 Lectures Françaises .
.----. Parmi les journaux et magazines qui se sont récemment arrêtés sur ce livre, nous retenons le n° 110 ( janvier 2014 ) de " SCIENCE ET FOI " ( Les nouvelles du CESHE, BP 1055, 59011-Lille-cedex ) dans lequel figure une étude intitulée " Un patrimoine à redécouvrir : la grande littérature chrétienne, consacrée à Malègue, présenté en ces quelques phrases : " Il y aura bientôt 75 ans disparaissait un homme modeste, effacé, qui jamais ne connut la gloire extérieure ni les tréteaux de la " foire sur la place ", comme disait Romain Rolland. Il demeure un grand méconnu, ou du moins il l'est redevenu actuellement, après avoir été lu avec ferveur et avoir exercé une influence notable sur des milliers de jeunes, d'ecclésiastiques et d'intellectuels dans les années 1930 et 1960. Je parle d'une époque où il existait encore des écoles dignes de ce nom, un enseignement cohérent et complet -- et des séminaires où l'on apprenait la religion.... L'expression utilisée dans notre titre est empruntée à Henri Charlier ( " Une méditation des plus hauts mystères " ), qui l'appliquait au chant grégorien, et si nous la reprenons, c'est que Malègue nous apparait au milieu de la littérature de son temps " mutatis mutandis " comme le plain chant parmi les différentes musiques religieuses, austère d'apparence, sans grands ornements extérieurs destinés à flatter le lecteur, mais gonflé au-dedans d'une sève qui ravit le visiteur une fois entré dans un édifice, un auteur ayant pénétré profondément avant dans la terre de l'homme individuel et d'une génération tout entière ". ( numéro 683 - mars 2014 ).
Appel à communication
3/5 Fabula, recherche en littérature
Colloque international Joseph Malègue - 15-16 octobre 2020 - Université Paris-Est Créteil
Nous fêterons en 2020 les 80 ans de la disparition de Joseph Malègue (1876-1940), le grand romancier d’Augustin ou le Maître est là (1933) et de Pierres noires (posthume, 1958). Aucun colloque n’a jamais été organisé sur cet auteur et peu d’études littéraires en font mention, alors qu’Augustin a été unanimement salué par la critique en 1933 et que l’œuvre de Malègue a continué de fasciner des générations de lecteurs, notamment grâce aux rééditions chez Spes, au Cerf et chez Ad solem (une traduction en polonais, Augustyn albo Pan jest tu, doit même paraître bientôt après des traductions en italien et en allemand). Au-delà des hommages ponctuels de tel ou tel grand personnage (les papes Paul VI et François par exemple) et de la petite renommée que cela lui procura, nous aimerions prendre au sérieux, comme son œuvre le requiert, l’écrivain Joseph Malègue.
Augustin ou le Maître est là n’est pas juste un roman catholique, même s’il l’est aussi, ou un roman de la crise moderniste : il est tout à la fois « scène de la vie de province » et « scène de la vie parisienne », roman d’apprentissage, roman d’amour, roman universitaire – et roman familial –, roman de la tuberculose (comme il y en eut beaucoup à cette époque), roman du quotidien, roman philosophique – et roman d’un philosophe –, roman mystique et même roman biblique. Les huit cent pages de l’œuvre impressionnent par leur maîtrise, leur style, leurs personnages : elles donnent à lire une existence (malgré l’ellipse d’une dizaine d’années), celle du héros, Augustin Méridier, de l’enfance à la mort ; elles nous font sentir la pesanteur et la grâce du monde ; elles nous peignent les joies (les scènes aux Sablons avec Anne de Préfailles – comme hors du temps – sont parmi les plus belles pages d’amour de notre littérature), les angoisses, les peines (avec cette mort qui rôde partout et s’en prend même aux enfants), l’espérance enfin lorsque l’Ange (son ami Largilier) vient lui rendre une ultime visite pour un ultime combat.
Pierres noires, même inachevé, a une ambition aussi haute. Le cadre y est, cette fois-ci, tout entier la province, avec ses faibles, ses médiocres mais aussi ses saints. Peignant une ville auvergnate au moment de l’avènement de la République laïque, tenant à la fois de Balzac pour la représentation des mutations historiques et sociales et de Proust pour la saisie d’un monde qui disparaît, ce roman, plus encore qu’Augustin, crée un véritable univers, multipliant les personnages, et même les époques. Les rapports avec le roman de 1933 n’en sont pas moins nombreux : Vaton, l’un des héros de Pierres noires, est déjà présent dans Augustin, de même que Félicien Bernier. L’un et l’autre constituent des doubles d’Augustin et de Largilier, à la personnalité et à la réussite sociale moins fortes, mais par là même capables de représenter plus largement l’un « les classes moyennes du Salut » et l’autre les « classes moyennes de la Sainteté » (même si en Félicien va se révéler, lentement, obscurément, quelque chose de bien plus fort). N’est-on pas, avec ce livre, comme le disait Charles Moeller face à « une œuvre grandiose, où l’universel est inséparable de l’insertion dans le terroir le plus concret » ?
L’œuvre de Malègue, si elle est dominée par ces deux romans, ne se réduit pas seulement à eux. Auteur de nouvelles (réunies pour certaines dans Sous la meule de Dieu et autres contes), de méditations et de réflexions (De l’Annonciation à la Nativité, Petite suite liturgique, Pénombres), il n’a cessé de penser le monde dans son rapport à Dieu.
Ce premier colloque Malègue aimerait explorer la richesse d’une œuvre qui est parmi les plus grandes du XXe siècle et qui souffre la comparaison avec celles de ses contemporains Mauriac et Bernanos. Plusieurs axes pourraient ainsi être explorés :
1. L’art du roman chez Malègue. Il convient de s’intéresser enfin aux qualités de romancier de Malègue. En quoi consiste sa poétique romanesque ? Comment construit-il ses intrigues et ses personnages ? Quels sont les « sommets pathétiques » de l’œuvre, ces « moments de vérité » qui restent vivants dans la conscience du lecteur, et que Roland Barthes décrit comme des « arrachements émotifs » ou des « cris » ? Quels genres romanesques ont sa prédilection et comment les agence-t-il dans Augustin et dans Pierres noires ? Qu’en est-il aussi du poète derrière le romancier ? Dans quelle histoire littéraire s’inscrit-il et quels sont ses modèles ?
2. Malègue, romancier des mœurs du temps. Son œuvre donne à lire les mutations politiques, économiques, sociales et religieuses d’une époque. Comment en rend-il compte et comment les juge-t-il ? Souvent considéré comme un romancier de la crise moderniste avec Roger Martin du Gard (Jean Barois) et Paul Bourget (Le Démon de midi), il a la particularité d’avoir été, grâce à son ami Jacques Chevalier, au contact des principaux protagonistes du modernisme. En quoi sa peinture est-elle originale par rapport à celle de ses contemporains – et peut-être mieux informée ?
3. Malègue, lecteur des philosophes. On a souvent rapproché Joseph Malègue des philosophes que sont Maurice Blondel et Henri Bergson. Augustin ou le Maître est là montre aussi sa connaissance de la philosophie de William James et d’Émile Boutroux ou Pierres noires des théories d’Émile Durkheim. Cela sans compter les références directes et abondantes à Pascal et à ses Pensées. Malègue se nourrit de philosophie. Comment parvient-il à transformer celle-ci en récit, sans tomber dans l’écueil du roman à thèse ?
4. Malègue dans son œuvre. Les personnages de Malègue ont des liens privilégiés avec leur auteur. Malègue se nourrit de sa propre vie pour écrire, qu’il s’agisse de ses souvenirs d’enfance en Auvergne ou de sa vie d’étudiant à Paris. Vaton est un de ses doubles, à l’instar d’Augustin, même si celui-ci réussit professionnellement là où précisément Malègue a échoué. Dans la magie de l’œuvre, il y a, à n’en pas douter, toute la part personnelle que Malègue a mis dans ses romans.
5. Malègue et ses lecteurs. Augustin ou le Maître est là eut du succès à sa parution et fut réimprimé de nombreuses fois. Les articles et les lettres de l’époque permettent de mesurer l’impact qu’a eu cette œuvre sur toute une génération. Comment les contemporains ont-ils lu ce roman ? L’ont-ils compris ? Ont-ils retenu les mêmes éléments que les générations suivantes ?
Littéraires, historiens, philosophes, théologiens sont donc invités à se saisir de cette œuvre riche et encore inexplorée. C’est ainsi que pourra être fêté dignement l’anniversaire de la mort de Joseph Malègue.
Les propositions de communication (résumé de 300 mots environ, accompagné d’une brève notice bio-bibliographique) doivent être envoyées au plus tard le 30 avril 2020 aux adresses suivantes : jose.fontaine@skynet.be et bernard.gendrel@u-pec.fr.
Comité d’organisation : José Fontaine, Bernard Gendrel
Comité scientifique :Carole Auroy (université d'Angers), Bernard Forthomme (Centre Sèvres), Frédéric Gugelot (université de Reims Champagne-Ardenne), Denis Labouret (Sorbonne Université), Denis Pernot (Sorbonne Paris Nord), Yvon Tranvouez (université de Bretagne Occidentale)
RESPONSABLE : José Fontaine et Bernard Gendrel
ADRESSE : Université Paris-Est Créteil