Le Cercle d’un poète disparu
5/5 L e Figaro .
.----. Il flotte dans l’air comme une nostalgie d’Antoine Blondin. À l’approche des 25 ans de
sa disparition – le 7 juin prochain –, ses amis ont déjà mis le couvert. Des livres lui
rendent hommage*, un documentaire sera diffusé lors du Tour de France pour célébrer
celui dont les chroniques dans L’Équipe atteignirent des sommets. Les convives ne seront
pas très nombreux. L’auteur des Enfants du Bon Dieu, de Monsieur Jadis ou d’Un singe en
hiver n’a jamais figuré dans les programmes officiels. Trop imprévisible, trop léger, trop
dissipé, celui que Bernard Frank qualifia avec quelques autres de « hussard » avait une
fâcheuse tendance à se moquer des professeurs qui prenaient l’existence trop au sérieux.
Il faut « regarder les choses en farce », plaidait-il. Il préférait l’amitié aux honneurs, le
panache à l’ambition, l’insouciance à la raison. Il écrivait pour recoudre les morceaux
d’une vie sourdement partie en lambeaux : « Très vite, confie-t-il, il m’est apparu que je
serais moins un romancier d’aventures que de mésaventures. »
Sa prose est pleine
d’élégance, de fantaisie, de pirouettes. Jouant avec les mots, il polit ses phrases comme
du verre, laissant entrevoir en transparence, sous la buée de l’ironie, des tragédies
intimes. Il jongle avec la douleur, parle avec tendresse aux paysages. Ce sont des
compagnons de (dé)route : « Un arbre étriqué, les branches levées comme d’un vieillard qui
se peigne, ramenait ses mèches parcimonieuses d’un seul côté de la lumière. »
Resté aussi maigre que son oeuvre, il promène entre ses lignes sa tristesse « farceuse », son
désespoir « allègre ». De tous ses romans s’échappe, comme d’une fenêtre grande
ouverte, une poignante et souriante mélancolie. S’il aperçoit le bonheur, c’est qu’il est
déjà en train de s’enfuir : « Après la Seconde Guerre mondiale, les trains recommencèrent à
rouler. J’en profitais pour quitter ma femme et mes enfants.» Il distribue les images comme
des fleurs, mais ne peut s’empêcher de les disperser. C’est un gamin à qui l’existence a
volé ses jouets. À l’égal d’Henri Calet, auteur qu’il affectionnait, il aurait pu s’exclamer :
« Ne me secouez pas, je suis plein de larmes. » Ces larmes furent la seule eau qu’il accepta
de mettre dans son vin. Vingt-cinq ans après, par un juste retour des choses, son oeuvre
s’est bonifiée.
[Bertrand de Saint Vincent dans " Le Figaro ", n° 22308, samedi 30 avril-dimanche 1er mai 2016 ]<BHR>
* – Un paladin au XXe siècle, d’Alain de Chantérac
– Le Monde (imaginaire) d’Antoine Blondin, d’Alain Cresciucci.
Un voyage au bout de l’amitié !
5/5 Le Bulletin célinien
.----. Antoine Blondin, paladin au XXe siècle
Tel est le titre d’un livre, fraternel et cordial, sur celui dont les romans (et les nouvelles)
devraient figurer dans la Pléiade depuis belle lurette. Il ne s’agit pas d’une biographie
(celle d’Alain Cresciucci s’imposera longtemps) mais, comme le précise un autre Alain
(de Chantérac), « d’un voyage au bout de l’amitié commencé il y a plus de trente ans ».
Et de recueillir les témoignages de ceux qui l’ont aimé et apprécié : écrivains,
journalistes, comédiens et sportifs. Si Blondin était un personnage pittoresque, c’était
avant tout un écrivain dont l’oeuvre est appelée à rester. S’il fallait s’en persuader,
l’auteur nous invite à relire, par exemple, la splendide ouverture des Enfants du bon Dieu
(1952) : « Là où nous habitons, les avenues sont profondes et calmes comme des allées de
cimetière. Les chemins qui conduisent de l’École militaire aux Invalides semblent s’ouvrir sur
des fêtes nationales. Un trottoir à l’ombre, l’autre au soleil, ils s’en vont entre leurs platanes
pétrifiés, devant deux rangées de façades contenues, sans une boutique, sans un cri. Mais une
anxiété frémissante peuple l’air : c’est l’appréhension du son des cloches. Le ciel vole bas sur
mon quartier prématurément vieilli. Et je n’ai que trente ans et le sang jeune. »
Dans sa biographie de Céline, François Gibault révèle que Céline avait apprécié
l’humour et la désinvolture de L’Europe buissonnière, sans doute son roman le plus attachant.
Amené à Meudon par Roger Nimier, le jeune auteur aurait récolté ce compliment mifigue
mi-raisin : « Ah ! C’est toi le petit Blondin ? Tes livres sont si aériens, si légers, que
quand ils me tombent des mains, ils ne me font pas mai aux pieds. » Blondin, lui, éprouvait
une vive admiration pour l’auteur de Mort à crédit Dans le questionnaire de Proust
(reproduit à la fin du livre), il le cite parmi ses auteurs favoris avec Dickens, Dumas et
Cervantès. En 1974, lorsque Céline fait sa réapparition dans la Pléiade avec ses trois
derniers romans, Blondin constate : « Ainsi rassemblés, ils constituent une trilogie
parfaitement cohérente où la célèbre petite musique de ce Wagner du quotidien trouve
des accents exaltés pour colorer le Crépuscule des Hommes. (...) Au fil de sa parution,
cette trilogie marqua pour beaucoup de lecteurs la résurrection d’un Céline considéré
comme l’un des plus grands romanciers de ce siècle. Dans sa continuité, elle nous
confirme l’unité d’une oeuvre amorcée en fanfare par Voyage au bout de la nuit dans le
bouleversement de 1914 et achevée par Rigodon dans le fracas de 1945. Elle pourrait
s’intituler : D’une guerre à l’autre. » (France-Soir, 31 mai 1974).
Lorsque Blondin apprend le 5 juillet 1961 la mort de Céline, il se trouve à Antibes et
suit, sous un soleil de plomb, la 11e étape du Tour de France. Sa chronique du journal
L’Équipe lui est entièrement consacrée : « Céline s’est éteint à Meudon, sur la route des
Gardes, au milieu de cette côte, qui est à la fois le calvaire et le paradis des cyclistes. Mais
je crois qu’ils s’ignoraient mutuellement. Il avait possédé jadis, quand il était le médecin
des pauvres, une monstrueuse motocyclette à laquelle il tenait beaucoup. Ses ennemis y
avaient mis le feu, comme on brûle une effigie, en l’occurrence celle du dénuement et du
dévouement. Car il pratiquait le sport dangereux qui consiste à aimer les hommes sans le
leur dire. » (L’Équipe, 6 juillet 1961).
Ceux qui aiment Blondin liront ce livre qui nous le restitue tel qu’il était : superbement
doué, chaleureux, caustique et si fragile. [ Sgné : M. L. dans " Le Bulletin célinien", n° 387, juillet-août 2016 ]
Une belle âme .
5/5 Faits et Documents.
.----. L'auteur, qui a fréquenté le journaliste et écrivain Antoine Blondin dans les années 80, brosse le portrait d'un " blessé de la vie " qui, derrière les excès publics, cachait une belle âme. [ citation du numéro 415 , 1-31 mai 2016 de " Faits et Documents ]